La republication de ce petit essai politico-philosophique, imaginé par André Buyse à l’occasion d’une des récente crises politiques de la Belgique (ce n’était pas celle de ce début d’année 2025), est bien opportune en cet hiver 2024-2025 alors que la plupart des pays d’Europe (dont la France et la Belgique, mais pas seulement) traversent à nouveau des crises protéiformes qui peuvent aller jusqu’à des mises en question systémiques, comme l’avenir de notre régime de démocratie parlementaire représentative. A l’époque, nous avions pris l’initiative de livrer ce petit « conte frisant bon l’utopie politique » à la curiosité du ministre d’Etat Mark Eyskens, grand commis de l’Etat belge, grand érudit et admirateur aussi bien de la culture française que de la flamande. Il nous l’avait renvoyé assorti d’un petit commentaire étonné mais élogieux et encourageant, qu’on aurait pu interpréter comme un : « Pourquoi Pas ? On n’a jamais essayé ! ». Lisez plutôt.
Perdue au milieu de l’océan, culturellement et économiquement développée, intrinsèquement riche, ouverte sur le monde mais enfin pas trop - juste ce qu’il faut ! - tiraillée par des forces centrifuges, écartelée dans un carcan de falaises en porphyre aux reflets argentés, convoitée par les Eurasiates, ses voisins, et lorgnée par les Occipurs, ses ancêtres de l’autre côté du Grand Océan, ciblée pour son degré élevé de bien-être qu’aucun paramètre micro- ou macro- économique n’est pourtant jamais venu corroborer, la principauté de l’Île d’Oslandie aurait pu sombrer dans le chaos, il y a de cela vingt-cinq ans déjà, si un natif, aujourd’hui tombé dans l’oubli, un certain Robinson de Chamany, hardi réformateur surgi d’une forêt de nulle part, n’avait annihilé le pouvoir d’entropie qui aurait bien pu dévier le cours du long fleuve tranquille de la vie de ce million d’îliens et quelques, d’allure plutôt débonnaires : les Oslantes.
naufrage
Eux qui, il y a deux siècles et demi incarnaient encore la pure démocratie ! Eux qui, minés depuis dix fois moins de temps par l’opulence, la corruption, le luxe, l’arrogance, le repli sur soi, les dérèglements de toute nature, l’ivresse du néant et qui de surcroît s’étaient gavés de ce « trop-plein de tout » qui est la marque des civilisations moribondes, s’apprêtaient au naufrage : ils auraient, au moment où je vous parle, pu sombrer corps et âmes dans le plus glacial des dénis de démocratie, dans la morosité, la dépression, la déconfiture sans nom…
Ils se sont ressaisis à temps. Ils sont redevenus l’exemple de la rigueur, du bon sens politique, du fonctionnement harmonieux des institutions nationales. Ils ont réinventé une constitution dont émerge un modèle de démocratie proche de la perfection : la justification de toute chose, l’équanimité des sens et de l’esprit enracinées dans le seul hasard et la volonté de tous. Une démocratie absolue qui ne reconnaît que les hommes, ignore les partis, les factions, les groupuscules, les cliques, les hôtels-dieu, même pléthoriques, absolus, totalitaires ou tout cela ensemble.
machine de paix
Voici comment fonctionne, en Oslandie - et sans que soit jamais apparue l’ombre d’un grain de sable - cette nouvelle, cette miraculeuse, cette resplendissante machine de paix, de fraternité et de justice sociale.
Tous ceux qui ont plus 18 ans, ce pourrait être aussi bien seize ou vingt printemps, disons 400.000 électeurs au total, les malades mentaux, les grabataires et les sujets avérés dangereux exceptés, votent, cela va de soi, tous les deux ans.
Personne ne leur dit qu’ils doivent voter, mais enfin ils votent. Ils votent sur la formation d’une liste unique, ou plutôt d’une triple liste, d’hommes et des femmes âgés de vingt ans au moins.
Ils « votent » pour 1500 candidats identifiés par un numéro d’ordre de 1 à 400.000, une identification jamais rendue publique avant le scrutin. Autrement dit, ils jouent à la roulette : les titulaires des numéros qui apparaissent deux ou plusieurs fois sont « élus ». Si cela ne suffit pas et cela ne suffit généralement pas, sont également élus les numéros qui se rapprochent le plus de la moyenne des numéros cités deux ou plusieurs fois par le hasard (on peut plonger autant de fois que nécessaire dans cette réserve).
Ce corpus de 1500 numéros, qui correspond à autant d’êtres de chair et de sang, est à son tour scindé en trois parts égales de 500 « élus ». La première série se compose de ceux qui seront appelés à conseiller – sans voix délibérative – les élus de la deuxième liste (500 également), ceux là mêmes qui délibèreront à l’Assemblée nationale pendant six mois. La troisième série de 500 « élus » n’a pas davantage de pouvoir délibératif mais donne un avis global sur les délibérations des 500 élus législateurs.
un électeur = un candidat
Un élu peut-il refuser de siéger ? Bien sûr. Mais s’il le fait, il est rayé pendant 15 ans des listes d’électeurs qui, rappelons-le, sont aussi des listes de candidats.
L’élu du Parlement d’Oslandie n’est sûr que de trois choses :
1) il ne sera jamais présent à l’Assemblée que pendant un délai ininterrompu d’un an et demi maximum (car une fois élu son matricule ne sera pas réinjecté avant cinq ans dans le panier de ce qu’il faut bien appeler le tirage au sort) ;
2) il n’aura voix délibérative à l’Assemblée que pour un délai maximum de six mois ;
3) enfin, en tant qu’élu, il disposera exactement des mêmes revenus – ni plus ni moins - que ceux dont il disposait dans la vie privée avant son « élection » : allocation de chômage s’il était au chômage, salaire d’ingénieur - indexé - s’il était ingénieur salarié, honoraires de caporal ou de notaire s’il était caporal ou notaire, moyenne du revenu mensuel des trois dernières années s’il était chef d’entreprise, indépendant ou industriel, etc. Les frais de représentation et de déplacement échappent bien entendu à cette nomenclature et sont les mêmes pour tous.
Ainsi, personne n’est incité à « faire de la politique pour de l’argent » . Quant au « sacrifice » que représenterait un mandat politique en Oslandie, dans la mesure où c’est ainsi qu’il pourrait être perçu par certains, il est nécessairement limité dans le temps. Mais il n’ y a à proprement parler pas de sacrifice dans la mesure où le mandat même peut être refusé…
Et puisque le hasard règne en maître dans cette élection sans nom, rien n’empêche qu’une assemblée soit composée majoritairement de jeunes, de femmes, d’hommes, de vieillards, de chômeurs, d’industriels, de chefs scouts, de libres penseurs ou de curés.
flexibilité
Ce drôle de parlement élit les membres du gouvernement et nomme les hauts fonctionnaires, magistrats et maires pour une durée indéterminée. Mais ces derniers ne sont pas pour autant assurés de leur « bol de riz en fer » puisqu’ils sont redevables de tous leurs actes devant un parlement dont les membres changent tous les six moist dont il est impossible de présumer de leur appartenance à une tendance politique ou partisane, pour autant qu’ils en aient une.
Le bon sens et un certain souci de la continuité de l’Etat sont donc les seules garanties de pérennisation des programmes administratifs.
Ils sont bien sûr aussi redevables devant les ministres dont ils relèvent et dont ils exécutent les politiques en sachant que, comme leur patron, ils marchent sur des œufs. Le ministre, lui-même issu du parlement après s’être porté candidat à la fonction et au département correspondant et avoir préalablement défendu publiquement son programme, est d’abord nommé « stagiaire » (ou « vice-ministre » sans pouvoir réel autre que celui de représentation et de signature administrative) pour une durée de six mois auprès du ministre réputé être en fonction.
Six mois après son entrée en fonction le ministre devient à son tour « conseiller » de son successeur et superviseur de l’application, s’il échet, de la politique ou des projets qu’il avait lui-même mis en branle ou poursuivis.
Un ministre d’Oslandie joue donc trois cartes : une carte d’observation, une carte de prise de décision et une carte de conseil…ou de mea culpa pour les erreurs commises sous son mandat propre : belle expérience d’humilité puisque le ministre se met d’abord à l’écoute de son prédécesseur même, et surtout, si lui-même est une sommité du monde scientifique ou littéraire alors que son prédécesseur pourrait bien n’être qu’un éboueur au chômage.
Pour qu’une loi soit approuvée, il faut donc qu’elle agrée trois sortes de citoyens n’ayant a priori aucune affinité entre eux.
Elle les agrée néanmoins parce que dans l’aventure ces hommes et ces femmes n’ont rien à perdre et tout à gagner, au terme d’un mandat qui est davantage une épreuve qu’on se fait un point d’honneur de relever qu’une charge qu’on aurait très bien pu refuser.
loi et vertu
Ainsi les lois de l’Oslandie sont-elles limpides comme du cristal, point trop nombreuses ni trop rares, faciles à appliquer car acceptées de tous, presque inutiles tant elles répondent au consensus général. Nul Oslante, ou presque, n’enfreint la loi. Nul Oslante ou presque n’est virtuellement justiciable ni traduit devant les tribunaux - ils existent pour la forme et leur emblème est le même que celui de la Nation : « le hasard fait bien les choses » - ni a fortiori conduit à l’échafaud.
De temps à autres, des groupes de parlementaires se forment et leurs membres adhèrent, comme les roses c’est-à-dire l’espace d’un été, à un mouvement d’idées …qui n’est pas, qui ne sera jamais un parti politique car, en substance, ces groupes ne vivront que le temps de la chrysalide dans un monde où le dieu Nature reprend tous ses droits. Un dieu craint à ce point que les « excès pollutoires » n’y ont pas cours, un lieu où cette transcendance a pour tendance de réduire au silence toute catastrophe humaine – guerre, esclavage, inflation/déflation, soumission au conditionnement – ou naturelle – tsunami, réchauffement climatique, glaciation intempestive ou cycle infernal des démissions de gouvernements.
Ici les gouvernements ne démissionnent pas, ils ne tombent pas, ils ne répliquent pas les mêmes erreurs à l’infini ni ne se dupliquent, ils se succèdent dans la continuité de la méditation,
de la joie difficilement contenue, de la peine sublimée et d’un certain esprit d’impermanence.
ni zazou ni zazen
Ni zazou ni zazen. Ainsi, ce qui - ailleurs qu’en Oslandie, forcément – ne serait qu’utopie n’est ici que succession des saisons, pluie sans fin de perles rayonnantes de compassion.
Ni Bouddha ni maître. Ni « deus-ex-machina » ni déicide.
Ni blanchiment de noirs sépulcres, ni creusement de charniers célestes, ni langues sept fois tordues, ni « apocalypses now », ni fourches caudines à franchir honteusement, ni poudre à laver les cerveaux.
Ici, ne coexistent pas plus le nirvãna que la négation des choses de la vie : le soi s’est liquéfié dans une passoire à larges trous et l’égo s’est branché au tout-à-l’égout.
Tout citoyen oslante, de l’âge du berceau à l’âge du bilan, vit , témoigne, rêve, rougit, mange à sa faim, se dépêtre, se démange, se démène comme un beau diable, sème et aime comme un petit dieu, s’enfle, tremble d’amour et, d’un seul coup de hallebarde, perce rancunes et haines comme baudruches qui se dégonflent au soleil…
Maman, est-ce que par hasard c’est encore loin l’Oslandie ?
D’après le titre que l’égyptologue a donné à une conférence concluant une assemblée générale de notre association professionnelle, à savoir « Du mystère des hiéroglyphes au mystère de l’égyptologie », il devait être rappelé que, pour le citoyen lambda, l’Egypte ancienne reste mystérieuse.
Et mystérieuse, elle le fut car pour notre société occidentale, l’Egypte ancienne et sa civilisation sont restées quasi inconnues, et ce depuis la fin de l’Antiquité jusqu’au début de XIXème siècle.
En effet, tout ce que l’on savait reposait sur des récits de voyageurs dont le plus connu et le plus ancien est un ami de Sophocle, le grec Hérodote, qui vécut au Vème siècle avant J.C. et que Cicéron surnomma le « Père de l’histoire ».
Dès l’Antiquité, et Hérodote en est un exemple, on admira la civilisation et la société égyptienne qui étaient considérées comme très anciennes, existantes depuis la nuit des temps.
En effet, dès le 8ème millénaire avant notre ère, dans les régions arrosées par le Nil, naquirent des sociétés plus ou moins organisées.
Cela se fit après qu’une période d’aridité eut succédé à des millénaires de pluie dans un Sahara vert (15.000 – 9.000). Les chasseurs et pasteurs se regroupèrent dans la vallée restée verte.
Durant le 6ème millénaire avant notre ère, les premières populations organisées se fixèrent définitivement sur les rives de Nil. Et, de chasseurs et d’éleveurs, ils devinrent agriculteurs et paysans. Cela se passa de Khartoum en haute Nubie jusqu’au Delta du Nil, en passant par l’oasis du Fayoum.
Durant le 5ème millénaire et surtout dans sa deuxième moitié (4.500 – 4.000) les premières civilisations virent le jour et deux régions se distinguèrent :
1. Au nord, le delta, avec comme divinité principale Horus l’Ancien – Biti rouge
2. Au sud, la haute et moyenne Egypte avec le dieu Seth – Nesout roseau blanc.
Diverses poteries et pierres ornées de cette époque en sont les illustrations.
Le Delta du Nord prit l’ascendant jusqu’au milieu du 4ème millénaire avec des rois de la dynastie « zéro » c.à.d. les 1ers pharaons, dont l’existence est plus ou moins légendaire.
Le 1er fut Horus l’Ancien
Le 6ème fut le roi Scorpion.
Et vers l’an 3.200 apparaît la 1ère Dynastie avec le roi Narmer (ou anciennement Ménès) qui règne sur l’Egypte unifiée : le Nord et le Sud ne forme qu’une royauté, avec la couronne composée : le psent.
Et alors, pendant 3 millénaires se succédèrent trente dynasties.
Durant ces 3.000 ans, se développe toute une civilisation avec des périodes de gloire et d’autres de déclin et de misère. Mais, dès la 1ère dynastie, la civilisation était déjà organisée « à l’égyptienne » c.à.d. avec Roi – pharaon, prêtres, temples, écriture, religion, culture...
Il est évident que durant ces 3.000 ans il y eut des évolutions et des changements.
Ainsi, l'on retient trois grandes périodes
L’Ancien Empire
IIIème Djeser 2.750
IVème Chéops (Konfhou) +/- 2.650
Vème Ounas 2.375
VIème Pépi Ier 2.300
Le Moyen Empire
XI et XII ème Sésostris Ier 1.930
Sésostris III 1.860
Le Nouvel Empire
XVIII ième les Aménophis
Thoutmès III 1.450
Aménophis IV 1.351 – 1.354
XIX ième Ramsès II 1.279 – 1.213
XX ième Ramsès III à XI 1.200 – 1.085
Entre ces 3 Empires, il y eut des périodes beaucoup moins glorieuses, appelées périodes intermédiaires et, à partir de l’an mille avant notre ère, on peut dire que l’Egypte pharaonique commença à vivoter sur sa lancée avec des hauts et des bas selon que les envahisseurs hittites, perses, grecs furent plus ou moins cléments.
Le dernier, ou plutôt la dernière pharaon(ne) fut Cléopâtre. Après elle, les Romains devinrent maîtres de l’Egypte et les empereurs en étaient d’office pharaons,
mais, à ce moment, c’est une autre histoire qui commence.
L’Egypte ancienne des pharaons avait vraiment vécu.
On commence à parler de plus en plus grec et parfois latin ; le peuple égyptien continue à croire à tous ses dieux mais il doit s’adapter à la nouvelle politique de Rome et de Constantinople qui, après avoir martyrisé beaucoup de religions, imposent, avec les empereurs Constantin et Théodose, le christianisme. Dans la ville d’Alexandrie, grandiose capitale culturelle de l’Egypte romaine, il y eut une lutte très dure entre, d’une part les lettrés et savants et d’autre part les chrétiens et leurs évêques. Ces derniers n’hésitèrent jamais à employer la force avec leurs régiments de moines et d’ermites ; ils effacèrent à tout jamais la civilisation antique de l’Egypte.
Les hiéroglyphes furent oubliés : les derniers furent gravés à Philae vers 394 après J.C. et la langue égyptienne de cette époque, le démotique, disparaitra en 470 av J.C. Entretemps, une nouvelle langue est née : le copte. C’est la langue de l’Egypte chrétienne qui s'est formée dès l’époque ptolémaïque (-300) en combinant le démotique, langue égyptienne parlée au début de notre ère, et l’alphabet grec, avec en plus sept caractères démotiques pour noter des phonèmes inconnus du grec.
On peut dire que le copte est une langue afroasiatique descendant de l’égyptien ancien.
Actuellement encore, le dialecte copte « bohaïrique » est utilisé comme langue liturgique. Nous verrons plus tard que la connaissance de la grammaire copte aida beaucoup Champollion à déchiffrer les hiéroglyphes.
L’Egypte chrétienne utilisa la langue copte jusqu’au moment de la conquête arabe en 641. A partir de ce moment, toute trace de culture égyptienne antique disparut et l’on vit les anciens temples, devenus souvent des sanctuaires coptes, disparaître au profit de nouveaux bâtiments de style arabe construits en pierres provenant des « carrières » des monuments anciens. Dans beaucoup de cas, ce fut même un ensablement plus ou moins complet qui permit de conserver les vestiges anciens.
Ainsi, le magnifique temple d’Aménophis III et de Ramsès II à Louxor, est actuellement flanqué d’une mosquée sur son portique Est. Cet édifice arabe fut bâti au XIIIème siècle sur une ancienne église copte, elle-même construite dans le temple égyptien.
Et, en beaucoup d’autres endroits, on peut voir les antiques bâtiments égyptiens diminués de leurs reliefs, de leurs fresques, parfois martelés pour détruire des symboles païens ; ou bien encore servir de carrières de pierres pour ériger des palais et des mosquées, au Caire p.e.
Les Fatimides, autour de l’an mil et, ensuite, Saladin et les Mamelouks firent du Caire une ville magnifique avec ses jardins, ses palais, ses madrassas, ses mosquées. Si les pyramides ont leurs faces nues actuellement, c’est bien parce qu’elles furent « dénudées » par les constructeurs cairotes.
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Durant tout le Moyen-Age, l’Egypte n’est plus connue en Europe, que par quelques écrits et récits de voyageurs, par des nouvelles de croisés francs, par des ambassadeurs auprès des Byzantins et des Turcs. On peut dire qu’un silence de mort se fit sur toute cette civilisation égyptienne des pharaons.
En ce temps, les écritures saintes sont quasi les seules à décrire l’Egypte Ancienne ; pensons à Joseph et ses frères, à Moïse et son départ de la cour des pharaons pour le désert du Sinaï, aux septante-deux traducteurs de la Bible de l’hébreux en grec à Alexandrie au IIIème siècle avant notre ère.
Mais, à partir de la Renaissance, des lettrés, des rois, des papes commencèrent à mettre dans leurs collections des tableaux, des objets précieux, des statues, des manuscrits rares. Parmi ceux-ci, certains étaient rapportés d’Egypte.
Dès le XVIème siècle, il était de bon ton de posséder des curiosités orientales. Et ainsi, petit à petit, les puissants remplirent leurs cabinets de curiosités, de papyrus, de statuettes achetés à grands prix en Egypte.
Simultanément, l’étude des langues orientales se faisaient dans les universités : à côté de l’hébreux, du grec et de l’arménien, l’arabe, le copte, le phénicien, le chinois étaient étudiés par les savants, les linguistes, les philologues et les missionnaires.
Au XVIIIème siècle, tout honnête homme se devait de pouvoir discourir un tant soit peu des civilisations orientales, et entre autre de celle de l’Egypte.
Tout un chacun était frappé par la richesse et la grandeur des vestiges de cette civilisation antique. Beaucoup essayaient d’interpréter les signes dessinés sur les écrits, sur les monuments, sur les obélisques.
Car, depuis l’antiquité, les empereurs, ainsi que les papes, avaient lancé une mode nouvelle : orner les grandes villes d’obélisques provenant d’Egypte : il y en a une quinzaine à Rome. Actuellement, il y en a aussi à Istamboul, Venise, Arles, Berlin, Londres, Paris, Washington, Durham, New York, Florence, Munich.
Mais, tout restait cependant mystérieux et peu connu, si pas inconnu.
L’Egypte était un pays étrange, légendaire, plein de trésors.
Comment connaître ce pays mystérieux ? Comment arriver à connaître cette Egypte Ancienne d'avant Jésus-Christ ?
Les archéologues étaient devant un mur. Les géographes présentaient bien des cartes, représentations du monde égyptien d’après les sources classiques mais n’apportaient pas de solution au sujet de la connaissance de l’antique civilisation.
La réponse était assez simple : il était nécessaire de déchiffrer tous les signes hiéroglyphiques pour parvenir à une vraie compréhension et une vraie connaissance de l’Egypte. Mais, comment ?
Diverses élucubrations de savants français, anglais, germaniques furent avancées. Mais, l’un prétendait blanc, l’autre noir et les discussions devenaient parfois de véritables diatribes et combats verbaux.. Comment faire le ménage avec ces centaines de signes différents ? Etaient-ce des lettres, ou des idéogrammes, ou des déterminatifs ou des signes consonantiques (uni – bi ou tri-litères) ?
Une seule chose était connue et cela grâce au grec : hiéroglyphe dérivait d’un mot formé lui-même à partir de « hiéros » (sacré) et « gluphein » (graver). Les hiéroglyphes étaient donc une écriture sacrée, gravée principalement sur les murs des temples.
On peut dire qu’à partir de la fin du XVIIIème siècle, l’égyptologie naquit petitement, comme une branche de l’archéologie traitant de l’Egypte ancienne, grâce à la curiosité et aussi à la cupidité des riches occidentaux qui se faisaient un point d’honneur de posséder, chez eux, des vestiges de l’antique Egypte.
C’est Napoléon, lors de sa fameuse expédition en Egypte (1.799 – 1.801) qui lança, vraiment la science égyptologique.
Des dizaines de savants, d’artistes, d’ingénieurs partirent en campagne avec lui, afin d’étudier les vestiges de ce merveilleux pays. Pendant deux ans, ils vont vérifier les cartes anciennes et décrire tout le pays. Leurs travaux sont relatés dans la fameuse « DESCRIPTION DE L'ÉGYPTE » en cinq volumes.
Depuis l’ïle de Philae (à la 1ère cataracte) et, descendant le Nil, ils font des relevés précis e.a. à
Volume I
Assouan
Eléphantine
Kom Ombo
Edfou
El Kab
Esna
Volumes II et III
Thèbes et toute sa région
Der-el-Médinet
Colosse de Memnon
Vallée des Rois
Louxor
Karnak
Volume IV
Coptos
Dendera et Abydos
Tell El Armana
Meidoum
Daschour
Memphis
Saqqara
Gizeh
Le Caire
Volume V
Tanis
Butastis
Alexandrie
Abousir
Pierre de Rosette
Durant cette expédition, à la fin de l'année 1799, une stèle fut découverte dans le sable, connue sous le nom de « Pierre de Rosette ». Cette stèle est trilingue : égyptien hiéroglyphique, égyptien démotique et grec.
Grâce au grec, on savait qu’il s’agissait d’une copie d’un décret de Ptolémée V, en l’an neuf de son règne, c.à.d. en 196 avant notre ère.
En 1801, quand le corps expéditionnaire français dut capituler devant les forces anglaises, la pierre de Rosette fut confisquée et envoyée au British Museum. Mais les savants de l’époque, reconnaissant l’importance de ce document, envoyèrent des copies aussi bien en Angleterre, qu’en France ou en Allemagne. Et, les savants se mirent à l’étude. Le premier qui proposa une lecture phonétique du texte égyptien, fut l’anglais Thomas Young, philologue, musicien, médecin, physicien, … un peu comme Léonard de Vinci ou Leibnitz.
L’avantage de cette pierre de Rosette résidait dans le fait que des cartouches (noms de pharaons) étaient répétés à plusieurs reprises ; et en comparant avec le nom grec, ils devraient pouvoir être identifiés.
Le problème fut finalement résolu par le philologue Jean-François Champollion, dit Champollion le Jeune, ou Champollion l’Egyptien.
Champollion est né en 1790 à Figeac en pleine Révolution française dans une famille acquise aux idées nouvelles. A cinq ans, il savait déjà lire dans le missel grâce aux leçons de son frère aîné. Il est néanmoins très faible en mathématique et en orthographe et a un mauvais caractère. A l’école, il apprend le grec et le latin ; à 10 ans et demi, il quitte sa ville natale pour rejoindre son frère aîné à Grenoble, où il apprend l’hébreu et commence l’étude de l’arabe, du syriaque et du chaldéen.
A 13 ans et demi, il entre au lycée impérial de la ville et y étudie de 1804 à 1807.
Son frère s’intéresse fort à l’Egypte ancienne et parvient à se procurer une copie du texte de la Pierre de Rosette. A partir de 1805 naît sa passion pour les hiéroglyphes égyptiens et il commence alors à étudier un peu la langue copte, car il a appris que les dialectes de l’Egypte ancienne ont donné comme langue dérivée le copte.
En septembre 1807, il arrive à Paris pour étudier à fond le copte, l’amharique, l’arabe, le persan, l’hébreu, la numismatique, le chaldéen. Et, en 1808 – il n’a pas dix-huit ans, mais c’est, déjà, un excellent linguiste – il se met en tête de déchiffrer les hiéroglyphes. Grâce à sa connaissance du copte et de sa grammaire, il entrevoit certaines pistes de compréhension des hiéroglyphes.
En 1809, il est nommé à 18 ans, professeur à l’université de Grenoble. Pendant dix ans, il continue ses travaux de déchiffrement, se marie, élabore des règles grammaticales pour l’égyptien, et, à partir de 1821, il déchiffre les cartouches de Ptolémée, puis de Cléopâtre sur la Pierre de Rosette ; ensuite sur des copies du temple d’Abou Simbel, il déchiffre aussi des cartouches de Ramsès et de Thoutmosis ! C’est alors avec certitude qu’il peut lire tous les noms égyptiens.
Une nouvelle science est née : l’égyptologie !
Champollion a moins de 32 ans et il a découvert le système de déchiffrement des hiéroglyphes !!
Malgré de nombreuses jalousies, il devient célèbre, il est même reçu par le Pape de l'époque, Léon XII. Il visite les célèbres collections égyptiennes du roi de Savoie à Turin, puis est nommé, en 1826 conservateur des collections du Louvre.
Et, finalement, de 1828 à 1830, il réalise son rêve : vérifier sur place, en Égypte, ce qu'il a découvert.
Il part en Egypte à la tête d'une mission scientifique franco-italienne. Et là, il peut constater de visu que son système hiéroglyphique fonctionne parfaitement. Que de chemin parcouru en une vingtaines d'années !
L’évènement est passé inaperçu en Occident, sauf dans certains cercles de la francophonie et de l’iranologie internationale : l’évocation récente par certains intellectuels de la dissidence de la disparition il y a douze ans d’un éminent linguiste iranien, grand connaisseur et transmetteur de la langue et de la culture françaises dans son pays alors encore sous le régime monarchique – mais laïc – du Shah Rezâ Palavhi. Il s’appelait Javâd Hadidi et fut pendant une dizaine d’années membre correspondant de notre association de droit belge, qu’il rejoignit épisodiquement pour rencontrer son fils émigré. Cette discrète et anonyme évocation revêt une signification allant bien au-delà du retentissement culturel et politique, voire religieux, de la culture iranienne moderne car il témoigne d’une (ré)ouverture de la société iranienne au monde littéraire de la francophonie.
Le professeur Javâd Hadidi fut le patron des « Presses Universitaires de Téhéran » fort en vogue sous l’ancien régime, qui furent par ailleurs, pendant plus de 50 ans un grand vulgarisateur de la culture française dans tout le Moyen Orient, ayant passé entre les mailles des filets de l’activisme politique, du Shah aux Ayatollahs, acrobate intellectuel ayant su concilier foi dans l’Islam et adhésion sincère aux principes de la libre pensée des « Lumières »… dans la ligne directe de Voltaire. Quand il décéda en 2002, à l’âge de 69 ans, il fut encore possible de célébrer sa mémoire par un deuil semblable à celui que l’on aurait réservé à un dignitaire de la tradition perse.
Hadidi, diplômé des universités de Téhéran, Paris Sorbonne et de Genève, était romaniste, essayiste, premier expert de la langue française à l’Université de Ferdowsi, rédacteur en chef de la « Revue de la Faculté des Lettres et Sciences humaines » de l’Université de Mashhad ». Il est l’auteur d’un essai qui le fit connaître bien au-delà des frontières de l’empire persan. Le succès de ce livre, « Voltaire et l’Islam », le conduisit à la faculté des lettres de Téhéran, où il signa un autre livre phare établissant le lien entre la persanéité la plus classique et la francité la plus contestataire intitulé « De Sa’dî à Aragon ». Ensuite il produisit, toujours en français, outre les 36 volumes parus de la revue littéraire en français « Luquman » (du nom d’un sage pré-islamique du 11e siècle de notre ère mentionné notamment dans la 31e sourate du Coran), sous-titrés Annales des Presse Universitaires d’Iran (PUI), quelque 24 autres ouvrages spécialisés, dont, au terme de sa carrière, une magistrale traduction du Coran dans sa version chiite, faisant des PUI le principal éditeur français en Iran et l’un des premiers au Moyen-Orient.
Il faut souligner la modernité de cette traduction française du Coran par Hadidi, entreprise audacieuse s’il en est car la tradition veut que le livre saint des musulmans ayant été écrit directement de la main d’Allah est intraduisible et donc « ininterprétable », réside non seulement dans la rareté des traductions du Coran en général mais aussi dans son approche critique des propos d’Allah. Décrivant son œuvre, l’analyste Yahya Alawi, citant l’exégète al-Askari, écrit : « Si donc vous avez quelque doute à propos de ces versets, apportez un discours semblable de la part d’un homme semblable, afin qu’apparaisse clairement qu’il est un menteur comme vous le prétendez, car tout ce qui provient d’autre que de Dieu a son pareil auprès des autres créatures de Dieu ».
Le côté savant de ces études franco-persanes ne doit pas occulter la modernité d’une autre partie de l’œuvre de Hadidi en prise directe avec les problèmes du monde occidental principalement francophone, ainsi que le relève, dans le volume édité par les Presses Universitaires de Téhéran à l’occasion du décès du savant, l’un de ses disciples, Yan Richard, de l’Institut des études islamiques de Paris : « On peut rêver qu’en abandonnant les rêves de domination planétaire, la puissance américaine laisse se développer dans le monde des espaces de pluralisme culturel. Ainsi, le Québec, en exigeant le bilinguisme, n’obligerait-il pas les fonctionnaires canadiens fédéraux à apprendre le français ? La chance des Wallons de Belgique pourrait être également, en apprenant tous le flamand, d’obliger les flamingants à apprendre tous le français et à accepter son usage chez eux. L’Europe, pour réaliser plus concrètement l’équilibre entre les mondes latin, anglo-saxon-germanique et slave, pourrait ainsi également restreindre la diffusion de l’anglais… pour développer l’allemand, l’italien, le français ou l’espagnol… ».
Idées de génie ou utopie venant d’un Iran des mille et une nuits ? Plutôt une démonstration par l’absurde que nul n’est prophète en son pays.
Claude Hirlap
Interv. : Et vous pensez qu’encore aujourd’hui la France a ce rôle là ?
Cheng : Bien entendu. Parfois on a pu oublier un peu. C’est Valéry qui a dit : « la France est devenu ce creuset où l’on devient français ». Il dit : cette phrase ne s’applique pas seulement aux étrangers, mais aux Français eux-mêmes. C’est à dire, chaque Français à un moment donné doit prendre conscience du destin de son pays. C’est un pays exceptionnel, qui s’est créé une vocation. Moi, devenant Français, j’épouse cette vocation. Vous voyez : chacun à partir de son unicité, de sa particularité, essaie de tendre vers l’universel et donc, en tant que Français, je m’assigne comme devoir ou comme mission d’exalter cet idéal qui un idéal non pas inventé par moi mais par tous ces grands penseurs français et par le peuple français même puisque sa triple devise républicaine est le résultat d’un mouvement de générosité extraordinaire. Oui !
Interv.: François Cheng, j’aimerais que nous parlions maintenant de la langue française et de votre amour de langue française dans votre livre « Le dialogue » dont le sous-titre est « une passion pour la langue française ». Est-ce que cela a été une passion ou une nécessité ? Ou est-ce que la nécessité est devenu passion ?
Cheng : Bien sûr, au début il y avait la nécessité. D’abord même pour survivre, il a fallu coûte que coûte apprendre cette langue mais bien sûr par la suite c’est devenu une passion, une passion parfois douloureuse parce qu’on sentait qu’il y avait cet objet d’amour qui est là mais toujours à la fois proche et inaccessible, vous voyez, pour quelqu’un qui n’est pas né dans cette langue.
Interv. : Et vous avez ressenti cette attirance, cette passion pour le français, très rapidement ou est-ce que cela a pris du temps ?
Cheng : Cela a pris du temps, il faut l’admettre. Et donc, je dis au début c’était la nécessité qui primait. Mais plus tard, et surtout à partir des années soixante-dix, déjà plus de vingt ans après mon arrivée en France, quand j’ai commencé à écrire en français, à ce moment-là, cette langue est devenue le centre de mon être, donc forcément ma passion.
Interv. : Justement, pourquoi avez-vous choisi d’écrire en français, ce que vous faites encore aujourd’hui, plutôt que d’écrire en chinois, votre langue maternelle ?
Cheng : Oui, d’ailleurs dans mon livre « Le Dialogue », je me souviens que j’ai dit « si j’étais resté un lettré chinois très cultivé et qui étudiait le français comme une spécialité, je serais justement devenu ce spécialiste de tel ou tel domaine de la culture française », vous voyez, or, je vous l’ai dit là tout au début : je suis cet être qui s’intéresse un peu à tout. Il faut dire que tout me touche, la beauté de la nature et puis rien de ce qui est humain ne m’est étranger. Il y a cette passion générale pour la vie. Et donc, pour cette langue, c’est la même chose : je ne veux pas devenir un savant, un universitaire – bien que j’ai eu une carrière d’universitaire – mais je ne veux pas me cantonner dans le rôle d’un universitaire, d’un spécialiste.
Interv. : Alors, qu’est-ce que vous voulez être ?
Cheng : Ah, je voulais être peut-être finalement, en tant que créateur, être un témoin, un témoin de cette vie foisonnante, mystérieuse, et pleine de douleur, de souffrance et en même temps de potentialité, de lumière aussi, vous voyez. D’ailleurs, j’ai utilisé ces mots : « je suis un pèlerin aussi, un quêteur, quelqu’un de toujours en quête »…
Interv ;. …toujours en marche ?
Cheng : D’ailleurs cela correspond à la notion du « Dao », c'est-à-dire la voie. Je ne conçois la vie que comme une voie, et non pas comme un programme à exécuter. La vie c’est une voie.
Interv. : Mais on présente en Orient souvent la vie comme une souffrance. Là je fais allusion au bouddhisme. Vous avez fait vous-même allusion à la souffrance qui est ici presque inhérente à la condition humaine. Comment ne pas se laisser écraser par cette souffrance humaine que vous avez aussi connue dans votre jeunesse ?
Cheng : Oui. Vous voyez, après la révolution culturelle, la Chine s’est ouverte. Donc, je suis retourné en Chine. J’ai eu bien sûr beaucoup de témoignages de cette souffrance terrible. Et en même temps, à travers ces témoignages, je découvre d’ailleurs que beaucoup de gens qui ont vécu cette période me disent : il y a quand même, dans les situation les plus désespérées, les plus cruelles, il y a toujours cette lumière qui jaillit : l’humain. Tant que la vie dure n’est-ce pas, tant que notre destin dure, l’humain reste une demeure, une potentialité, une possibilité, c'est-à-dire dans les moments les plus noirs, on arrive encore à toucher cette lumière qui jaillit. Donc…
Interv. : Excusez-moi. Mais il faut donc croire qu’il y a une lumière par delà les ténèbres ?
Cheng : Je pense, oui, parce que la vie est une promesse, la vie est une immense aventure. Qu’on soit croyant ou pas : on admet ce fait, c'est-à-dire : quelque chose est arrivé dans cet univers. Avant tout : il y a cette aventure de la vie. On ne peut pas le nier. Et cette vie contient bien sûr d’abord la mort ; il y a la souffrance, il y a les douleurs physiques… Et en même temps, la beauté est indéniable. La bonté est indéniable. Et puis, la vérité, c'est-à-dire quand on touche du doigt : par exemple nous sommes en ce moment en train de parler et je pense que ce moment est un des moments précieux de la vie, parce que tous les deux nous nous proposons de rechercher le Vrai ensemble. Alors, dans des moments comme celui-ci – c’est indéniable – il y a une qualité qui est là, qui nous dépasse d’ailleurs. C’est ce que j’appelle « le Trois », n’est-ce pas.
Interv. : Voilà, c’est ce que j’allais dire : « passer du Deux au Trois ».
Cheng : Il y a quelque chose qui jaillit entre nous.
Interv. : Expliquez-nous cela, justement : « passer du Deux au Trois »…
Cheng : Tout à l’heure j’ai dit que la vie est une immense promesse, une aventure. Donc, tant que cet ordre de la vie est là, notre rêve de l’Un, c'est-à-dire de notre retour à l’unité originelle est un peu vain. Parce que l’on est engagé dans cette aventure. Ou bien, l’aventure n’a pas eu lieu, donc on demeure dans l’unité originelle. Mais rêver de l’unité originelle, tant que l’on est dans cette aventure, est un rêve vain, c'est-à-dire cette fusion indifférenciée…et ce n’est même pas souhaitable, puisque chacun est devenu cet être unique. Alors puisqu’on est devenu cet être unique, on est un interlocuteur. Chacun est un interlocuteur.
Interv. : ..et un être de relation…
Cheng : ..un être de relation. Donc, nous sommes dans le Deux. Alors au lieu de retourner vers un impossible Un, il faut exalter le Trois, c’est à dire ce qui naît entre le Deux. Par exemple, je reviens à ce que j’ai dit tout à l’heure ; nous sommes en train de parler. Quelque chose naît en ce moment même entre nous. C’est indéniable. Et cette chose là ne serait pas là si j’étais tout seul dans ma chambre. Ne serait pas là si vous n’étiez pas là. Donc il a fallu cette relation, cette présence du Deux, c'est-à-dire chacun de nous, différent, et en même temps capable de dialoguer. A ce moment-là, quelque chose naît. C’est ce que j’appelle le Trois.
Interv. : François Cheng, vous parlez du Trois. Dans la tradition taoïste, on parle du souffle.
Cheng : Oui, parce que les taoïstes distinguent trois types de souffle : le yin, le yang – on les connaît n’est ce pas – et il y a ce que l’on appelle le souffle du vide médian, qui est un souffle lorsque le yin et le yang sont en présence : par leur interaction, il y a un troisième souffle qui est là. Qui est souffle, qui est une présence en soi. C’est ce qu’on appelle le vide médian, qui est le Trois, justement.
Interv. : Alors, ce qui m’intrigue beaucoup, c’est que ce mot souffle est le même dans la tradition judéo-chrétienne. En hébreu on parle de « houâr », dans le christianisme on parle de l’esprit…
Cheng : Dans la pensée indienne aussi, c’est l’idée du souffle. Je pense que l’idée du souffle est à l’origine de toutes les grandes pensées, chez les Grecs aussi – l’idée du « pneuma ». Et puis, bien sûr dans le christianisme, « au commencement était le verbe » : le verbe est un souffle. Et puis on dit « l’esprit souffle où il veut ». Donc, ça c’est…Pratiquement la culture chinoise – parce que c’est une ancienne culture – a engendré beaucoup de tares, il faut l’admettre. Donc,il y a beaucoup de choses à rejeter, à élaguer. Par contre il y a une chose essentielle qu’un Chinois n’abandonnerait pas, qu’il devienne bouddhiste, musulman ou chrétien : c’est cette idée du souffle, qui est inné à l’intuition chinoise. C'est-à-dire, tout procède du souffle, parce que cet immense univers de vie est animé par le souffle. Donc lorsqu’un Chinois pratique la calligraphie ou bien pratique le taijiquan – une sorte de mouvements, hein – et tous ces exercices se passent sous l’idée de souffle. Et cela sans parler de sa manière de concevoir l’univers vivant, c’est toujours cela. Pour revenir à mon histoire du Trois, je pense que toute pensée vivante est forcément ternaire. Bien sûr, le christianisme a la dimension de la Trinité. Tout dépend [de savoir] comment on vit ce Trois. Il ne suffit pas de rester au niveau conceptuel.
Interv. : Alors justement, comment l’incarner, comment le vivre au quotidien ?
Cheng : Au quotidien, pour moi, je vis le Trois. C’est à dire : tout seul, chacun est une finitude, ça j’en suis convaincu. Dans ma chambre, je suis un être malheureux, je dirais même un paquet de misère, avec ses maux physiques, avec ses fantasmes stériles et tout cela. Par contre, dès que je suis en présence de quelqu’un d’autre, à condition bien sûr que ce quelqu’un d’autre ait le même désir du vrai et du beau, comme moi - on ne sait pas ce que c’est le vrai et le beau -, mais par contre on a le désir de le rechercher ensemble : à ce moment-là, le Trois est devenu tout à fait possible. Si on est sincère, il y a toujours cette lumière du Trois qui jaillit, qui pour moi – peut-être cela peut vous choquer – est la vraie transcendance. C’est chose-là devant laquelle on s’incline volontiers. Puisque cette chose vient de moi, au moins d’une partie de ma meilleure part et qui en même temps me dépasse : vous voyez ?
Interv. : Disons, c’est la vraie transcendance : le spirituel, la spiritualité est ici dans notre condition humaine, pas dans une recherche d’un au-delà.
Cheng : Si j’ai dit que la vie est une immense promesse, donc cette promesse a été posée dès le début. Cette transcendance est donc contenue dans l’aventure de la vie même. Mais comment la faire jaillir à chaque fois ? Ca c’est une autre histoire. Si vous imaginez une transcendance comme un ordre planant là depuis le début, nous n’avons plus qu’à nous incliner : ça ce n’est pas la vraie vie. Ca, je pense qu’on est d’accord à peu près là-dessus. Donc, pour moi, la transcendance se situe à tous les niveaux. Quand je dialogue avec un arbre qui fait partie de l’aventure de la vie, il y a une lumière qui jaillit. Quand je dialogue avec un autre être humain comme vous, il y a une lumière qui jaillit. Quand je dialogue, si vous croyez au Créateur, ce qui est important c’est aussi ce qui se passe entre vous et le Créateur et non pas un ordre pur venant de la part du Créateur. La transcendance comme commandement, ce n’est pas la vraie transcendance. Une transcendance doit être cette chose qu’on embrasse volontiers et devant laquelle on s’incline volontiers.
Interv. : François Cheng, vous aimez beaucoup la peinture. Vous avez fait découvrir de grands peintres chinois au public français, comme par exemple le peintre Shitao. Aidez-nous à entrer dans la fonction, le rôle de la peinture.
Cheng : C’est une manière pour l’homme d’entrer en dialogue avec la nature. La nature comme essence, comme recelant le mystère de la vie aussi, et non pas la nature comme ça, comme un décor, un peu comme Cézanne a fait, en dialoguant avec la montagne Sainte-Victoire.
Interv. : Tandis que Cézanne est justement le plus proche des peintres chinois que vous connaissez…
Cheng : Tout à fait, parce qu’il a compris le Trois. Quel est le Trois de Cézanne ? Bien sûr, c’est sa peinture mais ce Trois n’a pu avoir lieu que lorsqu’il est entré en dialogue avec la montagne Sainte-Victoire qui recèle justement tout ce mystère de la création, puisqu’il a voulu saisir cette montagne de l’intérieur avec toutes ses couches géologiques, cette montée tellurique, n’est-ce pas, et puis toute cette strate de rochers, tous ces jeux de lumière. Donc la montagne Sainte-Victoire révèle à sa manière le mystère de la Création. Donc l’homme ne peut se sortir de lui-même qu’en dialoguant avec quelque chose de grand : c’est ce que Cézanne a fait. Mais, donc, l’accomplissement de Cézanne n’est pas en lui-même mais dans son œuvre. Cette œuvre, justement, c’est un Trois. Alors que Cézanne et la Montagne Sainte-Victoire - seuls - ne forment que ce que j’appelle le Deux.
Interv. : Et alors, ce qu’a vécu le peintre Shitao au 17e siècle tout au long de sa vie, c’est pareil ? c’est ce travail de rencontre, d’échange avec la nature, de faire l’espace pour laisser passer le Trois ?
Cheng : Ca, les Chinois l’ont compris très tôt. Bien sûr, la grandeur de l’Occident c’est d’avoir pensé le sujet, depuis les Grecs. Et puis, le christianisme a exalté aussi la personne humaine comme sujet.
Interv : Vous dites que c’est cela que l’Occident peut apporter à la Chine aujourd’hui ?
Cheng : Tout à fait. Par contre lorsque le sujet est poussé à une sorte d’individualisme à outrance, là il y a danger. C'est-à-dire : on croit que le sujet est un être isolé, que tout procède de lui et que tout revient à lui. Là, il y a danger. Parce que on n’est sujet que grâce aux autres sujets. On est sujet et on ne demeure sujet que grâce aux autres sujets. Tout à l’heure, on a dit que chaque être est unique n’est-ce pas. Mais on n’est unique que dans la mesure où les autres sont uniques. Si les autres ne sont pas uniques, votre unicité n’est qu’une sorte de bizarrerie.
Interv. : Chaque être est unique. En fait quand on regarde, dans la création tout est unique.
Cheng : Donc il ne suffit pas de dire : chacun est unique. Lorsqu’on dit cela, c’est parce que en même temps on affirme que tous les autres sont uniques. Donc, c’est dans la mesure où tous les autres sont uniques que l’échange est possible, qu’il devient intéressant, que le Trois peut [survenir]. Si nous nous ressemblions tous absolument comme deux gouttes d’eau, comme deux clones n’est-ce pas, dans ce cas, il n’y a pas de dialogue. Il n’y a pas de Trois. Il y aura un simulacre. C’est terrible.
Interv. : Ce que vous dites est à l’opposé du fascisme, qu’il soit de droite ou de gauche, et de toute forme d’intolérance qui cherche à unifier…
Cheng : Absolument. A unifier…comme des robots tout simplement. C’est dans la mesure où nous sommes différents que le dialogue est devenu possible et que la lumière du Trois peut jaillir. D’ailleurs, puisque nous sommes à une Radio chrétienne, n’est-ce pas, bien sûr on peut me qualifier de chrétien parce que pour moi le fait christique est un fait, est un événement, disons un des événements fondamentaux qui soit arrivé à l’Humanité. C’est incontournable. Parce que le Christ aussi a noué un dialogue avec le Père, c’est-à-dire : il a fait dialoguer l’humain et le divin. Il a introduit une idée de transcendance participante et non pas une transcendance de commandement.
Interv. : Pour une fois encore, en revenant à ce que nous disions tout à l’heure : « laissez passer le souffle » pour relier le Père.
Cheng : Ah bien sûr, le souffle est indispensable. Si vous imaginez ce type de dialogue comme un dialogue de salon entre gens cultivés, [un dialogue] selon la raison, ce n’est pas cela la vraie vie.
Interv. : Je vais être franc avec vous, François Cheng, je suis venu vous interviewer : je ne sais pas si vous êtes chrétien ou si vous êtes taoïste ou si vous êtes bouddhiste…
Cheng : Je suis sur une ligne de crête. Je suis cet homme-interlocuteur. Mais par contre, je viens de le dire, on peut me qualifier de chrétien parce que quand je dis « dialogue », quand j’utilise ce mot « dialoguer », je l’utilise dans le sens le plus profond, c'est-à-dire une vraie recherche commune. Ce ne serait pas un dialogue du type de la « conversation de salon ». Donc, il faut sincèrement entrer jusqu’à l’intérieur d’une pensée pour pouvoir dialoguer. Donc, puisque je viens de dire que le fait christique est incontournable pour l’humanité, j’ai joué le franc-jeu, c'est-à-dire que j’entre dans le christianisme pour pouvoir dialoguer avec les chrétiens et pour…
Interv. : Vous seriez avec un Chinois qui vient vous interviewer, [et qui serait] plutôt de culture confucianiste ou taoïste, vous entreriez – pareil – dans le confucianisme ou le taoïsme ?
Cheng : Sans doute, avec mon expérience déjà très métamorphosée et très transfigurée maintenant. Donc je dirais autre chose que ce qu’un Chinois peut dire en général lorsque je dialogue avec un Chinois. Voilà . Donc je suis devenu cet interlocuteur. Un interlocuteur au sens le plus large, avec la nature, avec des êtres humains, avec un tableau de Cézanne par exemple, ou bien avec ce que l’on appelle la transcendance. Donc, c’est une sorte de dialogue généralisé. Je crois que c’est notre mission : l’homme est devenu un être de langage. C’est sa mission en réalité d’être l’interlocuteur de la Création. Si on oublie ça, on aura failli à sa mission.
Interv. : François Cheng, qu’est-ce qui vous a fait choisir le prénom de François quand vous avez été naturalisé Français ?
Cheng : Voilà : il a fallu choisir un prénom, hein. D’abord, il a fallu choisir un prénom à deux syllabes parce qu’en général les prénoms chinois sont à deux syllabes. Alors j’ai éliminé des noms comme Pierre et Jean, etc. Et puis François c’est « français », ça veut dire « Français », ça a un sens. Vous voyez : l’acte de naturalisation est un acte solennel de ma part. Je n’ai pas choisi ça par commodité, puisque j’aurais pu demander beaucoup plus tôt [ma naturalisation]. Mais j’ai attendu 1971, donc 22 ans après mon arrivée en France. Donc c’est un acte conscient et solennel pour moi : j’ai choisi François comme ayant la signification de « français ». Et puis bien sûr, si je dois invoquer un saint chrétien, c’est saint François d’Assise qui est sûrement le saint le plus proche de l’esprit chinois. Il est un des premiers. Dans la tradition chrétienne - il faut le dire -, au nom de la « surnature » on a un peu méprisé la nature à une certaine époque. François a été l’un des premiers [saints] à réintroduire cette idée d’une nature qui est une présence inspiratrice pour notre vie puisqu’il appelle l’eau ma sœur, l’alouette ma sœur aussi, etc.
Interv. : C’est le cantique de la création, un texte magnifique…
Cheng : Oui, le « cantique de la création » est une exaltation de toute la création et pas seulement [de] l’homme, ou de la conscience de l’homme. Donc la nature a été anoblie chez Saint François.
Interv. : Dans « L’éternité n’est pas de trop », votre roman, vous méditez , vous transmettez beaucoup de choses sur l’amour humain. Et on a l’impression que cette relation d’amour est très exigeante, très spirituelle, très difficile. Alors dans le cadre de ce roman, c’est une relation entre une femme mariée, je dirais tristement mariée, et un moine taoïste médecin. Une forme d’amour extraordinaire entre ces deux êtres. Mais il y a quelque chose de très spirituel, je dirais presque de désincarné dans cette relation d’amour. Quel est votre regard de l’amour humain, François Cheng ?
(propos retranscrits par André Buyse)
Un 28 septembre – une date de naissance vraiment prémonitoire dans la mesure où elle est celle du plus célèbre penseur chinois, Confucius (551-479 av. J.-C.) –, venait au monde, c’était à Uccle en 1935, l’un des plus grands passeurs des cultures française et chinoise de notre temps, Pierre Ryckmans - alias Simon Leys. Culturellement et philosophiquement c’est un peu le frère jumeau, du moins pour l’époque contemporaine, de François Cheng.
Ce dernier, aujourd’hui âgé de 95 ans, est né en 1929 en Chine. Tous deux sont académiciens francophones. Lui est l’un des 36 membres actuels de l’Académie française, qui statutairement en compte 40. Simon Leys a été l’un des 40 membres de l’Académie royale belge de langue et de littérature française, dont le fauteuil après son décès (le 11 août 2014) fut attribué à Amélie Nothomb. Cheng est né dans une ville « moyenne » (de 5 millions d’habitants tout de même), à Nanchang, au centre de la Chine, dans une famille de lettrés chinois, au temps de la première république de Chine (nationaliste). Il a fait des études de droit et de littérature chinoises à l’Université de Nankin (sud-est de la Chine).
Leys est issu d’une famille de la bourgeoisie francophone anversoise ayant donné plusieurs grands noms au pays (un éditeur spécialiste du droit, un vice-président du Sénat, un gouverneur général du Congo belge, un expert international en épigraphie, etc). Il a fait ses études primaires à Uccle (Servites de Marie), secondaires à Braine-l’Alleud (Collège Cardinal Mercier), universitaires à Louvain (droit et histoire de l’art).
Cheng est arrivé en France en 1948 et s’y installé définitivement après avoir suivi divers autres cycles d’études supérieures (EPHE, Inalco, Paris VII). Il a épousé une Tourangèle… ainsi que la nationalité française, il s’est converti au catholicisme mais n’a pas renié le taoïsme, sa religion de naissance. Il est devenu écrivain et essayiste français de (très) haut niveau, professeur aux universités, alors qu’à son arrivée à Paris il ne connaissait pas un mot de français. Parallèlement, il a publié essais et poèmes en chinois et est devenu un expert en art, littérature et calligraphie chinoise, vulgarisateur hors-pair de la civilisation de l’Empire du Milieu dans l’univers francophone.
Leys a fait le parcours inverse, non sans d’abord avoir bourlingué, au Congo où il fustigea les excès du colonialisme belge, sur un chalutier de pêcheurs d’Islande, aux Etas-Unis…et en Chine où il rencontra le premier ministre Zhou Enlai, à l’aube du maoïsme, à une époque (1955) où pratiquement personne dans le monde occidental ne reconnait le régime de Pékin (soit 5 ans même avant que la Reine Elisabeth de Belgique, qui s’autoproclamait « sympathisante communiste », ne s’y rende à l’époque, contre l’avis du premier ministre belge (le social-chrétien Gaston Eyskens) et même de celui du président américain (Dwight Eisenhower).
Après cela, afin de comprendre la Chine et les Chinois « de l’intérieur », et non plus par de biais de la langue de bois des responsables maoïstes de Pékin qu’il avait fréquenté dans sa jeunesse (et que pourtant dans un premier temps il avait admiré), il se met à étudier de manière aussi approfondie (universités, hautes écoles, presse locale) qu’assidue la langue, les arts, la calligraphie et la culture chinoise au cours de divers séjours en Extrême-Orient : Taïwan (où il rencontrera la femme de sa vie, la journaliste Han-fang Chang), puis le Japon (Kyodo et Tokyo), Singapour, Hong Kong.
C’est à Hong Kong, encore sous la dépendance de la Couronne britannique, où, devenu sinologue de facto, il étudie, enseigne et enquête à la manière d’un journaliste d’investigation mais sans en revendiquer le titre, qu’ il publie tous les quinze jours pendant la « Révolution culturelle » (1966-1976) des analyses approfondies et alarmantes de la situation en Chine continentale (il est d’ailleurs le seul Occidental à pouvoir déchiffrer et interpréter les articles des journaux des provinces chinoises ramenés par les milliers de fugitifs cherchant refuge et liberté dans la colonie britannique), rapports appréciés et recherchés par les représentations diplomatiques occidentales. Et même tellement appréciés que l’Etat belge, qui vient de reconnaître diplomatiquement la Chine populaire en 1971, engage…non pas Pierre Ryckmans désormais brûlé aux yeux du régime chinois mais un certain Simon Leys (pseudonyme tiré du roman de Victor Segalen « René Leys ») comme conseiller culturel à l’ambassade que Bruxelles vient d’ouvrir à Pékin et dont le premier responsable n’est autre que Patrick Nothomb, le papa de l’écrivaine Amélie qui remplacera des décennies plus tard un certain Pierre Ryckmans à l’Académie royale belge de littérature française !
De ses observations et expériences à Hong Kong, Pékin et diverses villes de Chine qu’il sillonnera pendant son mandat diplomatique, Ryckmans alias Leys tirera la trilogie qui fera de lui l’un des meilleurs sinologues dans le monde occidental : « Les habits neufs du président Mao », « Ombres chinoises » et « Images brisées ». Ensuite, il y aura « L’humeur, l’honneur, l’horreur », la somme des « Essais sur la Chine » (où il révèle incidemment que Mao Zedong a reconnu être un admirateur d’Hitler), « Le bonheur des petits poissons », « Le studio de l’inutilité », etc, sans parler de son exégèse des thèses de George Orwell (« 1984 ») et de leur parfaite mise en œuvre par le pouvoir politique en place en République populaire de Chine, avec une accalmie pendant la décennie 1980, mais qui a repris dès 1989 (massacre de Tian Anmen du 4 juin 1989) et s’est amplifiée avec l’arrivée du règne de Xi Jinping (2013).
Il est un détail dans la carrière de Pierre Ryckmans que ses commentateurs n’évoquent guère mais que nous ne pouvons personnellement pas passer sous silence parce nous y avons été directement associé : La participation pendant deux ans (1986-1987) de Pierre Ryckmans à la Revue belge d’information générale sur le monde chinois « Encres de Chine », dont le rédacteur en chef était Philippe Paquet, journaliste spécialiste de la Chine à La Libre Belgique et l’éditeur responsable le journaliste André Buyse. Ryckmans en était l’un des contributeurs réguliers, au même titre que des sinologues belges comme Marthe Engelborghs, Catherine Noppe, Jean-Marie Simonet, Françoise Lauwaert, Eliane Longly, Charles Willemen, Claude Chiang, etc, et quelques représentants de la société civile tels que Serge Pairoux (Association Belgique-Chine) ou l’avocat Bernard Dewit.
Emigré en Australie à partir de 1987 pour y prendre la direction des études chinoises à l’Université de Sydney, Pierre Ryckmans reviendra épisodiquement en Belgique pour des conférences (au Barreau de Bruxelles) ou pour y présenter ses livres, ou encore pour régler la pénible affaire du refus de l’octroi de la nationalité belge à deux de ses fils en raison de l’obstruction de fonctionnaires et de politiciens flamingants, affaire que se terminera par un procès donnant raison à Ryckmans et condamnant l’Etat belge. Ainsi l’excellent connaisseur du monde chinois et de la culture française ne fut pas prophète en son pays…ni dans ce pays voisin un temps pro-Mao que fut la France des années 1970 à 1980. Certes l’intelligentsia parisienne a, depuis, viré de bord puisque les prestigieuses éditions Gallimard ont accepté en 2016 de publier l’excellente (et multiprimée) biographie de Pierre Ryckmans écrite par Philippe Paquet sous le titre « Simon Leys : navigateur entre les mondes », une somme de 672 pages qui se lit comme un roman.
André BUYSE
(Note : dans de nombreux cas, les majuscules placées par Teilhard en tête de noms communs ont été supprimées.
En outre, certains termes ont été placés entre guillemets)
(Sélection opérée par André BUYSE)
DOULEUR
Douleurs et fautes, larmes et sang : autant de sous-produits engendrés en chemin par la Noogénèse. Voilà donc, en fin de compte, ce que, dans un premier temps d’observation et de réflexion nous révèle le spectacle du monde en mouvement.
DOUTE
Il ne faut jamais douter. Le soleil même, s’il doutait de lui, s’éteindrait sur le champ.
EBAUCHE DE CONSCIENCE
Si l’on divise le monde en deux parts – d’une part la matière qui n’a pas de racine de conscience et d’autre part l’être vivant-, ne serait-il pas légitime de dire : « mais l’intériorité, l’ébauche de conscience, Il y en a partout ! ».
EGLISE (L’-)
* Heureux sommes-nous de l’autorité de l’Eglise. Livrés à nous-mêmes, jusqu’où risquerions-nous d’aller à la dérive ?
* L’Eglise est le courant axial de la vie, elle est l’axe central de convergence universelle, point précis de rencontre entre l’univers et le « point Oméga ».
ENERGIE
* Toute énergie est également puissante pour le bien et pour le mal.
* Par quelque chose, énergie matérielle et énergie spirituelle se tiennent et se prolongent. Tout au fond, en quelque matière, il ne doit y avoir, jouant dans le monde, qu’une énergie unique.
ESPACE-TEMPS
Le borné et le statique ont disparu de notre vision et nous ne pensons déjà plus qu’en espace-temps.
ETRE
L’être est meilleur que le non-être et la conscience est meilleure que l’inconscience qui l’a précédée.
EVENEMENT
L’événement caractéristique de notre temps, bien loin d’être le déclin de Dieu dans nos esprits et dans nos cœurs, s’annonce au contraire comme une renaissance inouïe de celui-ci dans l’univers sous forme d’amour-énergie.
EXISTER
Exister c’est être en relation avec Dieu.
FAMILLE HUMAINE
Nous sommes parvenus au point critique où l’humanité passe de la divergence à la convergence. A la tribu s’était substituée la patrie. Au-dessus des patries, nous avons vu s’ériger des blocs idéologiques ou économiques. Demain se constituera une seule unité pour toute la famille humaine.
FIN ET COMMENCEMENT DU MONDE
Pour les âges qui viennent, les temps que nous vivons apparaîtront de plus en plus distinctement sans doute comme marquant la fin et le commencement d’un monde. Au milieu d’un nombre si grand d’événements capitaux, le phénomène qui aura pour nos descendants le plus de chance de dominer cette découverte est incontestablement la mise en jeu actuelle définitive des affinités inter-humaines.
FRANCHIR LE PAS
Ce n’est pas parce qu’on trébuche ou que l’on craint de tomber qu’il ne faut pas faire le premier pas.
GRANDS NOMBRES
Les forces de grands nombres, d’agitation et de compression sont primordiales : elles n’ont jamais cessé d’alimenter et de pousser en avant, dans toute son étendue et dans tous ses degrés, la masse de matière vitalisée.
GUERRE
Cette lutte fratricide prend l’aspect d’une crise d’enfantement à peine proportionnée à l’énormité de la naissance attendue.
HOMME
* L’homme n’est pas un monde à part. Il est de plain-pied dans le phénomène cosmique.
* Nous devons aimer l’homme. Lorsque cet amour sera assez fort dans nos cœurs, plus rien ne nous empêchera de fonder le système social, politique et économique dont nous rêvons.
HUMANITE
Arrêtée sur le collectif, l’humanité tant exaltée depuis des siècles est un Moloch affreux.
HYPERPRODUCTION
Sur des monceaux de blé, sur des montagnes d’uranium et de charbon, sur des océans de pétrole, l’homme cessera de s’unifier. Il périra, s’il ne surveille ni n’alimente pas d’abord la source d’énergie psychique qui entretient en lui la passion unanimisante d’agir et de savoir.
IDEAL
L’attrait de l’avenir se substituant peu à peu, chez nous, au simple effort pour survivre, nous savons tous qu’elle part toujours plus grande dans nos idées et nos affections personnelles tendent à prendre l’inachevé, l’inattendu, l’idéal.
INSECTES
L’instinct automatique si merveilleusement simple et précis des insectes semble bien n’être que le résidu d’anciennes spontanéités jadis exubérantes et variées.
INTEGRISME
Les théologiens intégristes nous empêchent d’adorer et d’aimer à plein, ils voudraient empêcher Dieu de grandir à nos yeux.
INTERDEPENDANCE
Les êtres vivants pris tous ensembles forment un seul système lié à la surface de la terre, système dont tous les éléments ne sont point simplement serrés et moulés les uns sur les autres comme des grains de sable, mais organiquement interdépendants les uns des autres, comme les filets liquides d’un réseau hydro-dynamique.
INTUITION
Qu’est-ce que l’intuition créatrice humaine, sinon de l’instinct réfléchi ?
INVESTIGATION SCIENTIFIQUE
Le phénomène entier de la conscience, soumis à l’investigation scientifique, donne l’impression de se dissoudre et de se boyer comme une illusion dans le flot uniforme d’un déterminisme universel : autant chercher à saisir un arc-en-ciel entre ses doigts.
JEUNESSE
Le groupe humain est, énergétiquement et biologiquement, encore tout jeune. Il en a encore – organiquement – pour plusieurs millions d’années à vivre et à se développer.
JOIE
Si on vous disait : « Approchez-vous de cet arbre et prenez le poisson qui chante sur cette branche », vous penseriez : « c’est fou, les poissons ne font pas de nid dans l’aubépine ». Il y a une chose plus extraordinaire et elle existe, c’est la joie.
L’AXE DOUBLE DE L’UNIVERS
Tout se passe, du point de vue énergétique, comme si l’univers se propageait suivant deux axes conjugués : l’un (entropie) de plus grande probabilité, l’autre (vie) de plus grande complexité.
LE TRAIN DE LA TERRE EST SATURE
Comme dans un train aux heures de presse, on commence à étouffer sur la terre. Et, dans cete condition d’asphyxie, les coups de poing s’expliquent par lesquels nations et individus essaient de se dégager et de sauver, par isolation, leurs habitudes, leur langue et leur pays. Bien vainement du reste, puisque dans le compartiment, les voyageurs continuent à monter.
LONGEVITE
A mesurer que l’humanité vit plus longtemps, non seulement elle s’accroît numériquement et s’étale géographiquement, mais encore, racialement, économiquement, politiquement et mentalement, elle se brasse, elle s’emmêle et se lie plus étroitement chaque jour sur elle-même.
MAINS ET CERVEAU
L’homme est un être caractérisé par des mains et un cerveau : c’est un cérébro-manuel. Est-ce que nous ne pouvons pas reconnaître dans l’humanité globale ce caractère de cérébralité et de manualité ?
MAL
* S’il y a du mal dans la nature, c’est que l’arrangement coûte. La douleur est le prix de l’être.
* Le mal est un effet secondaire, un sous-produit inévitable de la marche d’un univers en évolution.
MAMMIFERES
La pseudo-barrière tend également à s’évanouir qui séparait peut-être pour notre esprit en deux catégories irréductibles l’unité d’un mammifère et celle d’un atome.
MATERIALISTE
* Le philosophe matérialiste est celui qui cherche au-dessous de l’âme le principe solide de l’univers : il ne saisit que de la poussière qui s’éparpille entre ses doigts.
* Les matérialistes d’aujourd’hui ne sont souvent que des « spiritualistes » qui s’ignorent.
MIEUX-ETRE
Depuis des siècles, les hommes ont eu conscience de leur imperfection et aspiré à un plus-être que l’on a souvent confondu avec un mieux-être.
MORT
* La vie la plus haute s’atteint par une mort ; la mort (c’est-à-dire la désagrégation) accompagne tout changement pour le bien ou pour le mal.
* Sous les feux convergents enfin allumés de la co-réflexion, le mur de la mort se découvre-t-il toujours aussi haut, aussi étanche, qu’il avait d’abord paru au regard isolé de notre raison ?
* En mourant, l’individu fragile que nous sommes chacun ne peut-il pas se consoler de disparaître à l’idée que son effort passe dans un humain plus grand, mieux centré et plus consistant que soi ?
NAISSANCE
C’est une chose horrible d’être né, c’est-à-dire de se trouver irrévocablement emporté sans l’avoir voulu dans un torrent d’énergie formidable qui paraît vouloir détruire tout ce qu’il emporte avec lui.
NATIONALISME
Ou bien un seul peuple arrivera à détruire et à absorber tous les autres. Ou bien tous les peuples s’associeront, en une âme commune, afin d’être plus humains.
NATURE
La nature est beaucoup plus inquiétante que satisfaisante. Elle est manifestement la base de quelque chose, la figure de quelqu’un d’indéfinissable ; et on ne saurait se reposer en elle qu’en allant jusqu’au terme qui se cache.
NOOSPHERE
En moins d’un million d’années, l’espèce humaine est arrivée à couvrir la terre. Non seulement elle l’a couverte spatialement, mais sur cette surface aujourd’hui complètement bouclée, elle est parvenue à tisser un réseau serré de liaisons planétaires : au point que, par-dessus la vieille biosphère, s’étend maintenant et se renforce chaque jour une enveloppe spéciale munie d’un système propre de connexions et d’échanges internes, qui a pour nom la « noosphère
OBEISSANCE
C’est là le sens précis et profond de la croix : l’obéissance, la soumission à la mort, et accepter tout, amoureusement, la mort inclusivement.
ORGANIQUE
Avec le juridique on peut toujours, par quelque compromission, arriver à s’entendre. L’organique, lui, si on le viole, ne pardonne pas.
PANTHEISME
Panthéisme d’identification, aux antipodes de l’amour : « Dieu tout ». Panthéisme d’unification, au-delà de l’amour : « Dieu tout en tous ».
PATERNALISME
C’est la caricature du mot « paternité », soit une conception erronée de la Providence qui dispenserait l’homme de toute responsabilité dans l’évolution de l’univers.
PéCHé
Le péché, sur le plan de la morale naturelle, est l’action qui va à l’encontre de la convergence de l’évolution humaine.
PEKIN
Je connais des gens déçus de Naples ou de Grenade. J’en sais qui n’ont pas aimé Paris. Je n’ai rencontré personne qui ne fut séduit par Pékin et qui ne désirât y revenir.
PENSEE/TELEPATHIE
L’homme ne peut pas penser sans que sa pensée ne s’emmêle et ne se combine avec la pensée de tous les autres qui pensent.
PENSER
Penser c’est non seulement savoir, mais savoir qu’on sait.
PERSONNE
Une personne ne peut se donner, en tant que personne, qu’autant qu’elle reste unité consciente d’elle-même, c’est-à-dire distincte. Ce don qu’elle fait d’elle-même a comme résultat direct de renforcer ce qu’elle a de plus incommunicable, c’est-à-dire de la supra-personnaliser.
PLANETES
Il est statistiquement certain que des myriades de planètes orbitent autour de la poussière de soleils que renferment les milliards de galaxies. La vie a dû parfois s’y développer et l’esprit y faire souche. L’histoire du monde ne se réduit pas à celle de notre modeste planète.
POSTULAT
L’univers ne saurait, par construction, décevoir la conscience qu’il engendre. Ce postulat refusé, le monde s’arrête automatiquement.
PRESENCE
Une présence n’est jamais muette.
PROFESSION DE FOI DE TEILHARD
* « Je crois que l’Univers est en évolution ; je crois que l’évolution va vers l’Esprit ; je crois que l’Esprit s’achève en un Dieu personnel ; je crois que le Personnel suprême est le Christ universel ».
* « Si, par suite d’un quelconque renversement intérieur, je venais à perdre successivement ma foi au Christ, ma foi en un Dieu personnel, ma foi en l’esprit, il me semble que je continuerais invinciblement à croire au monde ».
PROGRES
Le vrai progrès ne s’enregistre, ne se réalise dans aucune des créations matérielles que nous essayons de nous substituer pour nous survivre sur la terre : il se poursuit dans les âmes, véritables étincelles où se concentre et prend corps la flamme intérieure du monde, et il s’en va avec elles.
RATéS
Sans tâtonnements et sans ratés, sans mort et sans serrage planétaire, l’homme demeurerait humainement immobile.
RE-AJUSTEMENTS MONDIAUX
De l’Ouest à l’Est, de Berlin, Rome et Tokyo à Londres, Moscou ou New York, ce qui se rêve ou se trame et ce qui s’oppose, entre techniciens de toutes sortes, ce ne sont rien moins que des plans de refonte générale, valables pour toute la terre.
RECHERCHE
* Le jour où les curiosités faciles s’épuiseront, les hommes (…) se grouperont enfin pour la recherche aussi ardemment qu’ils le font aujourd’hui pour amasser de l’or ou pour s’entre-tuer.
* Nulle force au monde ne sera jamais capable d’arrêter la recherche scientifique, une fois celle-ci engagée, et l’avenir reste devant nous avec son potentiel incalculable de découvertes.
REFLEXION
* C’est l’état d’une conscience devenue capable de se voir et de se prévoir elle-même.
* Si libre l’homme se sente-t-il, il ne peut se soustraire au besoin qui le force individuellement et collectivement à réfléchir – et donc à se réfléchir – de plus en plus outre. Parce qu’il a commencé, une fois, à penser, parce qu’il pense, il ne peut plus s’arrêter de penser toujours davantage.
* La réflexion monte sans arrêt à la surface de la terre. Non plus la simple réflexion isolée d’un individu sur soi-même, mais la réflexion conjuguée et combinée de myriades d’éléments formant un seul immense miroir.
RELIGION
La seule religion désormais possible pour l’homme est celle qui lui apprendra d’abord à reconnaître, aimer et servir passionnément l’univers.
REUSSITE SOCIALE
La réussite d’une vie d’homme ne se mesure pas à l’épanouissement individuel mais à la fidélité dans l’effort pour rendre autour de soi le monde moins dur et plus humain.
REVELATION
La foi en quelque révélation bien comprise, loin d’interférer en quoi que ce soit avec la science (comme, faute de comprendre, on l’en accuse encore… « de bonne foi »), ne deviendra-t-elle pas, quelque jour, pour nos descendants plus ou moins lointains, non pas un substitut, bien sûr, mais un activant nécessaire de la recherche ?
REVOLTE
Née avec l’intelligence, la tentation de la révolte doit constamment varier et grandir avec elle.
SACRIFICE
Rien ne se perd ici-bas pour l’homme de la peine de l’homme.
SAINT
Le saint n’est pas l’homme qui réussira à s’évader le mieux de la matière ou à la mater le plus complètement. C’est celui qui réalisera l’idéal du bon serviteur de l’évolution.
SOUFFRANCE
* A chaque instant apparaît la souffrance totale de toute la terre : si seulement nous pouvions la recueillir, la cuber, la peser, la nombrer, l’analyser, quelle masse astronomique ! quelle somme effrayante ! et, depuis la torture physique jusqu’aux angoisses morales, quel spectre raffiné de nuances douloureuses ! et si seulement aussi, par le jeu d’une conductibilité soudain établie entre le corps et les âmes, toute la peine se mêlait à toute la joie du monde, qui peut dire de quel côté se fixerait l’équilibre ? du côté de la peine ou du côté de la joie ?
* La souffrance répandue à chaque instant sur la terre entière : quel océan immense ! Mais de quoi est-elle formée, cette masse ? De noirceurs, de lacunes, de déchets ? Non pas ! Au Calvaire, le Christ est encore et surtout le centre de confluence et d’apaisement de toutes les souffrances terrestres.
* La souffrance d’abord traitée en adversaire qu’il s’agit de défaire ; la souffrance vigoureusement combattue jusqu’au bout ; et cependant, en même temps, la souffrance rationnellement et cordialement reçue dans la mesure où, en nous arrachant à notre égoïsme et en compensant nos fautes, elle est capable de nous surcentrer sur Dieu.
* La souffrance, un surcroît d’esprit naissant d’un défaut de matière…
TEMPS PRESENT
Ne vivons pas les yeux rivés au présent. La trajectoire de l’homme a ses fléchissements, elle a ses chutes. Mais, vue d’en haut, elle reste ascendante.
TERMITIERES
Il n’y aurait jamais eu de termitières si les termites avaient pu vraiment s’aimer.
THERMODYNAMIQUE
La vie, suivie jusque dans ses dernières fibres, obéit expérimentalement aux lois de la thermodynamique ; et, dans l’ensemble de l’univers, cette même vie ne représente quantitativement qu’un événement insignifiant.
TOUT
* Le sens du Tout naît informe et trouble. Les hommes qui s’y éveillent, dans leurs tâtonnements, ne rencontrent souvent qu’un fantôme métaphysique ou une grossière idole.
* Nous sommes les parties d’un Tout qui se cherche. Pris dans leur totalité, les hommes sont les membres d’une humanité supérieure, réelle, et, pour les chrétiens, personnalisée.
UNE ETOILE DANS LA FORêT
L’univers nous opprime d’abord de son aveugle immensité parce que, comme dans une forêt ou comme dans une grande ville (…) ne deviennent-elles pas aimables dès l’instant où , reconnaissant autour de nous un système rayonnant de sentiers, ou de rues, ou de lignes évolutives, nous acquérons le certitude que, si épaisse soit la brousse, si inhospitalier le quartier, si noire la vie que nous traversons, la chaleur, l’amitié, un gîte nous attendent au centre de l’étoile.
UNION
* La véritable union ne fond pas. Elle différencie et personnalise.
* L’union différencie, c’est-à-dire que les parties se perfectionnent et s’achèvent dans tout ensemble organisé. Dans l’union, les grains ne tendent pas à perdre leurs contours ni à se mélanger.
UNIVERSALISATION
Obtenue par la coercition qui force, par la suppression qui élimine, ou par la mécanisation qui déshumanise, l’universalisation d’un courant humain n’est pas complète : elle n’atteint ni son maximum ni son équilibre.
VIE
* En émergeant dans la pensée, la vie ne s’est pas arrêtée. La vie s’élève infailliblement, soutenue par quelque complicité de forces de l’univers.
* La vie n’est autre chose que l’exagération privilégiée d’une propriété cosmique universelle.
VIERGE MARIE
La Vierge Marie est celle que Dieu a voulu au-dessus du monde et de l’Eglise comme une perpétuelle aurore.
VIOLENCE
Continuer à mettre nos espoirs dans un ordre social obtenu par violence externe équivaudrait à abandonner toute espérance de porter à ses limites l’esprit de la terre.
ou la saga d’une communauté religieuse de rite byzantin
Evoquer la « Communauté Saint Jean-le-Précurseur » ne dira rien à la plupart de nos lecteurs à moins qu’ils aient eu l’occasion de consulter le site en ligne de cette institution (1).
Elle célèbre cette année ses cinquante ans d’existence. Mais quelle existence ! Une véritable saga, que nous vous proposons de narrer brièvement ici tout en permettant au lecteur de découvrir cette « communauté », qui n’est pas une « paroisse » car, dépendant de l’archidiocèse de Malines-Bruxelles (vicariat général de Bruxelles), elle ne remplit pas vraiment les critères de fonction ou de territorialité d’une paroisse. Discrète par nature elle pourrait cependant revendiquer une certaine notoriété…car elle officie dans l’un des plus anciens édifices religieux de Bruxelles qui est aussi « la perle » du patrimoine historique d’Uccle : la chapelle Notre-Dame-des-Affligés, plus connue sous le nom de Chapelle de Stalle, sise au beau milieu d’un îlot de verdure à hauteur du n° 50 de la rue de Stalle, l’un des principaux axes de pénétration du sud de la capitale.
Cette communauté chrétienne catholique célèbre tous les dimanches matin (et occasionnellement à d’autres dates en rapport avec le calendrier liturgique) en rite byzantin et en langue française, sur le modèle de l’abbaye de Chevetogne (province de Namur), l’office divin, selon un cérémonial qui n’est pas seulement celui des orthodoxes mais également celui des catholiques ukrainiens, des melkites et des italo-grecs. L’officiant actuel, appelé recteur, est l’abbé Alban Doudelet, professeur honoraire de latin et de grec au Collège Sainte Gertrude de Nivelles.
La communauté a été fondée en janvier 1974 par le Père Philippe Melchior, un ancien étudiant du Russicum (Collège pontifical russe à Rome), alors qu’il officiait déjà selon le rite byzantin à l’église des Saints-Jean-et-Nicolas, à Saint-Josse-ten-Noode, où avait été disposée une iconostase rudimentaire. Il y associa à l’occasion le Foyer Oriental chrétien et la paroisse orthodoxe grecque de Bruxelles. Il s’entoure d’une vingtaine de sympathisants et collaborateurs, dont le futur chef de la chorale byzantine Luc Debutte, le notaire de Fays ainsi que le grand patriote Emmanuel Ryelandt. C’est « la première vie » de la jeune communauté, qui durera jusqu’en 1976.
La deuxième vie dura douze ans, jusqu’en 1988 : un local spécifiquement dédié à la liturgie byzantine est trouvé : l’annexe, dite « chapelle des Ukrainiens » adossée au flanc droit de l’église Saint-Joseph, square Frère-Orban, au Quartier-Léopold, à Bruxelles-ville. Cette chapelle, dédiée à Saint Volodymir (l’Ukrainien) avait aussi un accès rue Belliard. De cette époque date l’essor de la chorale, puisqu’on sait que les messes byzantines remplacent tout usage d’instrument de musique par le chant choral. Tout l’office, qui dure en moyenne 90 minutes, est chanté a capella du début à la fin, lectures et prières incluses. Compte tenu de son implantation proche du quartier européen, il n’est pas rare de voir l’un ou l’autre eurocrate assister aux offices.
Pour recruter de nouvelles voix il fut jugé utile de faire publier un avis dans la presse bruxelloise (grâce à l’intervention de l’un des correcteurs du journal Le Soir, Jean-Paul Henrard), ce qui s’avéra être un succès. Le recteur Melchior, nommé vicaire à Sainte-Suzanne (Schaerbeek), obtint en 1983 l’aide d’un diacre, Attila Schkoda, ordonné par le patriarche de Constantinople, Mgr Maximos V. Il sera secondé à partir de 1986 par l’abbé Serge Descy, futur recteur de la paroisse grecque-melkite-catholique de Bruxelles, célébrant, lui, en la Chapelle de Marie-la-Misérable, à Woluwé-Saint-Lambert, où se produisit la Communauté lors de la visite du patriarche Maximos. A peine nommé Cardinal, Mgr Godfried Danneels, primat de Belgique présida une célébration au square et lut l’homélie en la chapelle désormais intégralement dédiée à Saint Jean-le-Précurseur.
Mais n’était-ce pas trop beau pour envisager l’avenir avec optimisme ? Le 17 décembre 1988, un samedi soir, la chapelle du square Frère-Orban est entièrement consumée par un violent incendie. Tout brûle. Sauf les calices. Des journaux évoquent, non sans quelque sous-entendu complotiste, « la destruction d’un lieu de culte catholiques et oriental ». Une enquête judiciaire est ouverte. Elle se conclura par un non-lieu à la suite d’une expertise évoquant « la possibilité d’une combustion spontanée due à la présence d’une bouteille de gaz ».
On est à la veille de Noël et il faut trouver une solution d’urgence. Une souscription est ouverte pour maintenir en vie la Communauté. Soixante donateurs y participeront. Ce sera, pour un bref délai – et ici débute la troisième vie de Jean-le-Précurseur - , l’occupation d’une chapelle… vouée à la démolition, celle des Sœurs Réparatrices, rue Van den Driessche, à Woluwé-Saint-Pierre, puis, de manière tout aussi aléatoire, chez les Sœurs de la Trinité, avenue de la Couronne à Ixelles.
Finalement, une solution pérenne est trouvée au printemps 1989 : ce sera la chapelle existant au sous-sol du couvent des carmélites, dit Carmel Saint-Joseph, rue des Drapiers, juste en face du siège de Fabrimétal (la fédération des industries métalliques devenue ensuite Agoria). Ainsi débute la quatrième vie de la Communauté, la plus longue historiquement puisqu’elle durera jusqu’en 2014. D’abord provisoire (jusque 1992), l’occupation devient permanente grâce à l’intervention de la prieure du carmel, sœur Isabelle de Lannoy, coopération renforcée en 1993 par la prieure, Renée Simon, qui permit un aménagement durable des lieux et une iconostase rénovée par les soins du père Ivan Davidof, celui-là même qui avait reconstruit l’église orthodoxe de Pskov en Russie septentrionale. La communauté a désormais 25 ans, ce qui sera fêté par un jubilé présidé par Mgr Lanneau, évêque auxiliaire de Bruxelles. Pour les célébrations de l’an 2000 la chorale de St Jean assura les chants d’une messe télévisée à la RTBF. De leur côté les membres de la communauté se cotisent pour envoyer des fonds notamment aux Parents d’accueil de Tchernobyl ou pour le carmel Kerith à Lumumbashi (Congo). En 1911, la communauté accueille Mgr Léonard récemment promu archevêque.
Mais s’annonce une nouvelle bourrasque. Et l’on entre dans la cinquième vie de Jean-le-Précurseur à la suite de la décision de l’ordre central du Carmel (en France) de déménager le couvent des sœurs carmélites et de transférer l’immeuble de la rue des Drapiers à la Fondation Josefa, une maison d’accueil pour réfugiés ayant officiellement bénéficié du droit d’asile. Nouveau branle-bas-de-combat dans la presse (dans La Libre notamment, qui titre « Des cathos byzantins en quête d’église »).
Finalement, grâce aux contacts noués avec Mgr Cockerols, alors évêque auxiliaire pour Bruxelles, et avec la Fabrique d’Eglise Saint-Pierre à Uccle, une convention est signée en février 2015, pour l’occupation les dimanches et jours fériés, en matinée, de la Chapelle de Stalle, avec des restrictions liées au classement de l’édifice par la Commission royale des Monuments et des sites : toute la chapelle, une construction gothique du XVe siècle, est protégée tant intérieurement qu’extérieurement. Pas question d’y installer une iconostase, seulement deux icônes peuvent être exposées, accrochées aux piliers du chœur, deux eptaphos (chandeliers à sept branches) allumés pendant l’office et l’autel, don de l’abbaye de Chevetogne, utilisé régulièrement. La chorale est à présent dirigée, avec une maîtrise reconnue de tous, par Dominique Foret, professeure de chant à l’Académie de musique de la populeuse commune de Schaerbeek.
La célébration officielle du cinquantenaire de la Communauté a eu lieu le dimanche 22 septembre 2024, quatre jours avant la venue du Pape François en Belgique, en présence du chanoine Tony Frison, vicaire épiscopal pour Bruxelles.
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(1) https://comunautestjeanleprecurseur.com
L’impensable s’est réalisé, même si d’aucuns n’ont cessé d’expliquer que cela n’était pas si impensable que ça, parce que le camp de ceux qui se disent démocrates, aux Etats-Unis, ne l’était peut-être pas tellement - démocrate et responsable - par rapport à la masse des citoyens. Dès le lendemain du scrutin, des chancelleries se sont mises à claironner le « vae victis ! » (ou malheur aux vaincus !) des combats de gladiateurs romains, expression au terme de laquelle, selon que César pointait son pouce vers le haut ou vers le bas, les vaincus avaient la vie sauve ou devaient être achevés, cette dernière alternative étant la plus fréquente, comme l’illustrent l’un exemple récent des courbettes d’un Macron lors de la réouverture de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
Oubliant que l’une des valeurs de la démocratie est de donner aux petits, aux « sans-grade », aux chômeurs, aux non assurés et aux non assurables si nombreux aux States, aux femmes, aux gens de couleur, aux nouveaux émigrés comme aux anciens, les mêmes chances et les mêmes facilités d’accès au pouvoir, au bien-être raisonnable, à la mobilité, à la couverture des retraites, etc, qu’aux intellos, aux diplômés et aux « cols blancs », une grande partie, minoritaire mais hélas décisionnaire, des citoyens américains (tous considérés comme démocrates dans le sens étymologique du terme) se conduisent aujourd’hui et sont réellement perçus comme des aristocrates (quel que soit le sens péjoratif ou non que l’on donne à ce terme).
C’était en effet ouvrir toute grandes les vannes à un charlatan politique, cynique, toxique, ivre d’ambition, de pouvoir, de domination et de perfidie… L’ouverture de la boîte de Pandore.
Ni le pire (c’est-à-dire le chaos politico- social et économique) ni une crise pathétiquement diabolique de la démocratie ne sont certes irrémédiables. Et pour ceux qui y croient, le mot espérance, parfait négatif du mot indifférence, n’a rien perdu de sa valeur.
Comme le définissent les linguistes de plusieurs langues sur la planète, le mot « crise » ne signifie pas seulement « état de déséquilibre profond sur le plan personnel, médical ou sociétal ».Prenons la langue chinoise où le second sens du mot « crise », autant utilisé que le premier, est opportunité, chance, occasion. Et donc : occasion de résilience ou tout simplement aptitude à rebondir. En son temps, dans les années 1980, la Chine a saisi la sienne de chance, profitant avec le succès que l’on sait de l’occasion de rebondir.
Aujourd’hui l’heure est venue de saisir cette chance pour l’Union Européenne, mais aussi pour la nation ukrainienne comme pour tous les pays de l’Europe orientale, et aussi sans doute pour l’OTAN, le monde arabe, pour le monde des militants du climat ou encore pour celui de toutes les diasporas démocratiques dispersées de par les outremers (russes, chinoises, africaines, sud-américaines).
Bien entendu, nous sommes loin de cautionner le « chimérisme » nonchalant et flagorneur d’un Boris Johnson, la lâcheté cupide d’un Viktor Orban, l’obséquiosité d’un Macron ou l’opportunisme indécent de politiciens issus des partis extrémistes de tous bords qui ânonnent en éclusant leur caviar : « au fond Trump, ce ne serait pas si mal ».
En attendant, la sidération parmi ceux que l’on pourrait appeler « les honnêtes gens », ou parmi l’homme de la rue et la presse à grand tirage, a été totale à l’annonce des résultats du scrutin du 5 novembre, ce qui peut être perçu comme un point positif.
Ainsi, la majorité des médias de notre « vieille Europe » – lesquels s’affichent dès lors comme garants de l’idéal démocratique – a condamné sans équivoque, dénoncé avec virulence, regretté foncièrement ce résultat effroyable. Ils l’ont en même temps identifié avec objectivité, courage et lucidité et – c’est là l’aspect positif d’une vraie prise de conscience et donc d’une lueur d’espoir - ils ont froidement évalué les perspectives, catastrophiques pour les peuples de tous pays à commencer par l’Amérique, de la future mise en œuvre des politiques et des idées trumpiennes.
Catastrophiques aussi pour l’avenir de la planète et pour la paix dans le monde, y compris au Moyen Orient, en Russie et en Afrique subsahélienne, pour la dignité de la vie humaine en général. Cet unanimisme vertueux et déjà constant dans la durée est si rare, et finalement si interpellant, qu’il nous a incité à présenter plusieurs « florilèges » (quoique le terme puisse paraître inapproprié en l’espèce) des commentaires parus dans la presse, principalement francophone mais pas seulement puisqu’y sont inclus ceux des journaux d’Amérique et de plusieurs pays d’Europe et du monde. (Voir les quelques articles qui suivent).
Florilèges aussi de commentaires, jugements, déclarations de personnalités les plus diverses issues des milieux politique, universitaire, artistique, littéraire et autres, belges et étrangers. Ceux-ci, classés par ordre alphabétique, ne sont pas datés sachant qu’ils ont été collectés entre le 6 novembre et début décembre 2024.
Bonne lecture.
La Rédaction
La Croix
- Un vice-président qui ne dit pas son nom. Trump a désigné Elon Musk pour être en charge de l’efficacité gouvernementale ». Le richissime patron de Tesla et de Space X a immédiatement promis sur son réseau social d’établir « un classement des dépenses les plus terriblement stupides ». Il pense pouvoir gérer les Etats-Unis comme il gère Twitter, c’est-à-dire en considérant les humains comme ses pions.
- Trump glouton. Sur le mode humoristique, un discret éditorial rappelle que des astrophysiciens américains ont découvert qu’un « trou noir » aussi massif que 7,2 milliards de soleils est apparu il y a un milliard et demi, d’années après le « big bang », et qu’il a été désigné comme « un trou noir glouton ». Il accrète (absorbe et digère) tout ce qu’il rencontre, ce qu’il compare au « phénomène Trump ». Ce nouveau trou noir ne pourrait-il pas accréter Trump aussi tout là-haut, au fin fond de la galaxie ? Trump qui aurait embarqué dans une fusée de son copain Elon Musk, lequel serait bien entendu du voyage ? La Croix ajoute in fine : « un aller simple, hein ! ». Etonnant – et fait rarissime - pour un grand quotidien catholique appartenant à une congrégation religieuse d’avoir osé exprimer ainsi, et noir sur blanc, une pensée aussi peu chrétienne…
Courrier International
- Citant Sylvia Colombo, l’éditorialiste du journal de Sao Paulo, la plus grande ville du Brésil, Courrier international titre « Le tour de vis de Trump, une catastrophe ». Il fait allusion à la politique migratoire annoncée par Trump : « les expulsions massives annoncées par le futur président américain génèreront plus de violence et de la crise humanitaire en Amérique centrale et du Sud (…). La seule réponse à ce problème si grave se trouve dans une politique de coopération régional de grande ampleur. A défaut, l’immigration continuera d’augmenter, et avec elle la xénophobie, les crimes de haine et la délinquance ».
Revue Esprit
- Avec la réélection de Trump, l’Etat de droit devient un carcan à démanteler. (Sans commentaires)
La Libre Belgique
- Donald Trump veut transformer l’Otan. Donald Trump est le seul président américain qui ne s’est pas officiellement engagé à respecter le principe de défense mutuelle lors de son premier mandat.
- Le cas de conscience des sénateurs américains. La démocratie américaine affronte son plus grand test de résistance depuis le scandale du Watergate, il y a cinquante ans. L’élection de Donald Trump a certes été démocratique mais l’exercice du pouvoir qui s’annonce augure d’un dévoiement de l’Etat de droit.
- Le Pentagone aussi dans le collimateur d’Elon Musk et de Vivek Ramaswany (ce dernier étant son principal conseiller, entrepreneur… et militant hindouiste !). Le futur bras droit de Donald Trump dénonce avec férocité le fait que « ces idiots du Pentagone » font encore « construire des avions de combat avec pilote comme le F-35 » (c’est-à-dire le fleuron des forces aériennes des Etats-Unis depuis 2015), précisant : « les avions de combat avec pilotes sont obsolètes à l’ère des drones ! ». Et le journal de dénoncer « la dépendance croissante de la Défense » vis-à-vis des entreprises du milliardaire Elon Musk).
Sans aucune limite. Sous ce titre, Dov Alfon, constate que les électeurs de Trump adhèrent à ses priorités (violent protectionnisme économique, isolationnisme géopolitique, expulsions massives de migrants) et ne se sont pas retrouvés dans celles définies par les démocrates (justice, climat, droits des femmes et économie de marché). Alors oui, préférer les priorités du candidat des républicains passait forcément par un vote pour un criminel condamné, misogyne, raciste, menteur et probablement dérangé.
Libération
- La dictature annoncée, on y est. L’élection de Trump est une tragédie pour le pays et le monde. Les Etats-Unis sont devenus d’un coup un vieux pays crispé dans ses valeurs machistes et autoritaires, incarnées par un ministre clown qui trouverait des qualités au Führer.
- Sans aucune limite. Alors oui, préférer les priorités du candidat républicain passait forcément par un vote pour un criminel condamné, misogyne, raciste, égocentrique, menteur et probablement dérangé (…) Kamala Harris avait défini son rival en ces termes : « Ce n’est pas ce que nous sommes, ce n’est pas l’Amérique ». Mas il s’avère aujourd’hui que c’est exactement ce que nous sommes et ce « nous » ne va pas malheureusement se limiter à l’Amérique.
- En Ukraine, une réélection qui jette un grand froid. Citant le journal Kyiv Independent : « Le problème, c’est que Trump n’en ait rien à foutre de l’Ukraine ».
Le Monde
- Vu à la télé : le critère de recrutement de Trump. Le président élu a confié l’assurance-maladie à un promoteur der remèdes médicaux contestés et l’éducation à une ex-dirigeante de fédération de catch. E pandemien du Covid19, Mehmet Oz [le futur ministre de la santé] a vanté les travaux d’un médecin français (Didier Raoult, aujourd’hui interdit de pratique) sur l’hydroxychloroquine, qu’il avait d’ailleurs essayé de contacter.
- Superman Trump et la parenthèse Biden. Trump n’est que le dernier des fossoyeurs de l « ordre libéral international ».
- Des militants démocrates entre l’incompréhension et la peur, titre la correspondante du journal à Washington. Cela nous rappelle qu’être une femme en Amérique [Kamala Harris] ne suffit pas. Même si elle est surqualifiée, même si elle a servi dans plusieurs branches du gouvernement. Il y a une partie de l’Amérique qui n’arrive pas à adopter le fait qu’une femme puisse devenir la leader du monde libre.
- Les défenseurs du climat inquiets. Le retour du républicain rend quasi caduc l’objectif de l’Accord de Paris. Donald Trump entend relancer massivement la production de gaz et de pétrole, tout en continuant à brûler du charbon.
- Trump à la Maison-Blanche, joie au Kremlin. La prophétie du général De Gaulle se réalise : un jour, les Etats-Unis quitteront le vieux Continent (…) Trump revient au pouvoir à un moment où le nombre de démocratie dans le monde ne cesse de diminuer.
- Le président Trump fera ce qu’il a dit. L’erreur serait d’imaginer un Trump II assagi, libéré de ses engagements des semaines passées.
- Une seconde présidence Trump sans véritables contre-pouvoirs. Seule résistance annoncée, celle de bastions démocrates comme la Californie, New York et l’Illinois.
- Le défi de Donald Trump aux institutions. Un mépris revendiqué pour des piliers institutionnels expliquait déjà le choix de l’homme le plus riche du pays, Elon Musk, dont les sociétés bénéficient largement de contrats fédéraux.
- Les nominations de Trump confirment sa volonté de rupture. Ainsi, la future ambassadrice auprès de l’ONU et l’ambassadeur désigné pour s’installer à Jérusalem forment un duo garantissant une ligne ardemment pro-israélienne, sans égards pour les Palestiniens vus comme un peuple artificiel. Ce dernier estime même que l’occupation (et donc la colonisation de la Cisjordanie et les expulsions inhérentes) n’existe pas et que seuls comptent les liens bibliques des juifs avec la « Judée-Samarie ».
- Le Canada risque gros. Le correspondant à Montréal du journal rappelle ce mot du père de l’actuel premier ministre, Justin Trufeau, dans une invective contre Nixon alors (en 1969), président républicain : « Vivre à côté de vous, c’est un peu comme dormir avec un éléphant. Peu importent la gentillesse et le tempérament de la bête (…) on demeure affecté par chaque tic et chaque grognement ». L’auteur finit : « même s’il n’est pas encore en poste, Donald Ttump secoue déjà le voisin du nord » (oar ses droits de douanes annoncés à 25 %, Ndlr).
Le Point
- Chronique de Brice Couturie .Il faut écouter les prêches des plus idéologues de ses conseillers spirituels. A l’intérieur, ils récusent les droits de l’homme au nom des droits de Dieu et entendent purifier le pays de la moindre impiété pour le transformer en un phalanstère puritain. A l’extérieur, ils prônent la croisade, encensent Poutine, louent Netanyahou et excommunient la Grande Prostituée de l’Apocalypse qu’est pour eux l’Europe.
- Un Américain idéal pour la galaxie islamiste. Le Prix Goncourt 2024, Kamel Daoud, explique pourquoi le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche est une aubaine pour les ennemis de l’Occident.
L’Express
- Le journaliste Thomas Mahler relève ce propos : le problème, c’est que Trump a un comportement irresponsable et imprévisible. Cette imprévisibilité est sa force mais aussi sa faiblesse.
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Le Nouvel Obs
- La victoire de Trump est un coup fatal aux équilibres géopolitiques fragiles issus de la Seconde Guerre mondiale et à l’espoir que les Etats-Unis restent l’étendard de la démocratie occidentale. Exit la pax americana, nous entrons de plain-pied dans l’isolationnisme et l’ère du national-populisme qui prospère sans répit.
- Dossier spécial : le monde selon Trump. Le retour du milliardaire républicain à la Maison-Blanche est un séisme pour la démocrate américaine, mais aussi pour l’ensemble de la planète. Car son élection à la présidence des Etats-Unis risque de peser lourd sur les questions climatiques et économiques comme sur la guerre en Ukraine, le Proche-Orient ou encore l’avenir de l‘Europe (…) Le trumpisme version 2025 se veut avant tout un piratage du système politique de l’intérieur. Il ne s’agira pas seulement de défaire le travail de l’administration Biden mais de dynamiter l’ordre constitutionnel américain.
Les Echos
- L’élection de Trump va-t-elle entraîner un retour généralisé au protectionnisme ? Le président élu voit dans les droits de douane une baguette magique. Son retour à la Maison-Blanche laisse craindre qu’il n’érige, comme Herbert Hoover en 1930, un mur commercial autour des Etats-Unis (…) Il ne tiendra sûrement pas compte des avertissements des économistes, il mettre en œuvre son plan.
Le Soir
- Administration Trump : le spectre d’une politique anti-science. La journaliste scientifique Anne-Sophie Leurquin, qui cite la sociologue Sheila Jasanoff de la prestigieuse université américaine d’Harvard, s’interroge en ces termes : la nomination d’un vaccinosceptique au ministère trumpien de la santé (Robert F. Kennedy), cela fait craindre le pire aux experts en santé publique. Jasanoff avait averti la communauté scientifique en même que les citoyens : « trouver un terrain d’entente nécessitera un engagement social et probablement de l’humilité de la part des scientifiques.
New York Times.
· Donald Trump est-il fasciste ? Comment l’historien Robert Paxton a changé d’avis. Eminent spécialiste du fascisme et de la France de Vichy, l’historien américain pensait l’appellation galvaudée et inadéquate pour décrire Trump. Aujourd’hui, il s’alarme de ce qu’il voit (…) Le phénomène Trump semble avoir une assise sociale bien plus solide que ni Hitler ni Mussolini n’auraient eue.
· Le quotidien relève que le futur « Département de l’Efficacité gouvernementale (DOGE) voulu par Trump « sera le seul moyen de prolonger la vie au-delà de la Terre », en t’autre terme le feu vert donné à Musk de tenter de transférer sur d’autres planète la vie des humains (déniant ainsi l’objectif de lutte contre le réchauffement climatique et tout simplement le fait de vouloir garder la Terre habitable). Pour tous les humains ? Ou seulement pour ceux qui auront la masse financière nécessaire pour ce projet insensé ?
Washington Post.
- Pour près de la moitié des électeurs de Trump, manifester son appréciation pour Hitler est acceptable.
The Atlantic.
- (mensuel à grand tirage de Boston) . Dans un article titré « Un défilé de cinglés : l’exécutif de Trump vu par l’ « ex-plume de Bush ». Ce dernier, un certain David Frum, déclare : nous allons vivre quatre longues années avec un gouvernement composé de fanatiques, d’escrocs et de médiocres.
NBC News.
- L’archipel indépendant des Bahamas rejette le projet annoncé par Trump d’accueillir les immigrants que ce dernier a promis d’expulser vers ce petit Etat insulaire et vers d’autres pays de la mer des Caraïbes comme Grenade, les îles Turco et Caïques ou encore le Panama.
Nicolas Baverez
- (avocat et essayiste français). Il a réussi à se faire élie sur la peur du déclin dans une Amérique en plein renouveau. Et ce pour avoir tiré toutes les conséquences de la fin du cycle de la mondialisation et de l’émergence d’un système multipolaire instable et violent, dans lequel la politique domine l’économie, l force prime le droit, la sécurité l’emporte sur l’ouverture.
Pascal Canfin
- (eurodéputé français). L’Europe doit se réveiller face au trumpisme et à ses clones qui veulent la détruire de l’intérieur.
Blandine Chélini-Pont
- (professeure d’histoire à l’Université d’Aix-Marseille). Kamla Harris a commis l’erreur de ne pas être allée chercher l’électorat catholique (…) Les catholiques (20 % du corps électoral) ont voté pour Trump, candidat aux promesses peu catholiques…
Souleymane Bachir Diagne
- (Professeur à Colombia University – NY). Trump a lancé : « Ils vont venir vous prendre vos blacks jobs (boulots noirs). Ces emplois sous-payés, précaires correspondent bien à une réalité. Ainsi le républicain a su jouer l’électorat noir contre l’immigration.
Stéphane Foucart
- (auteur de l’ouvrage de référence, chez Grasset : « Des marchés et des Dieux. Quand l’économie devient religion »). Sous le titre « Les habits neufs du fascisme » publié dans Le Monde du 18 novembre 2024, il écrit : « Cette fois-ci, le fascisme est de retour en Occident ». Le fascisme dont les caractéristiques fondamentales ont été décrites par Umberto Eco : nationalisme exacerbé, xénophobie, virilisme, irrationalisme, anti-intellectualisme, destruction de la complexité de la langue, instrumentalisation de la frustration des classes moyennes. Avec en sus une idéologie libertarienne qui prône le démantèlement de l’Etat, la dérégulation totale de l’activité industrielle, la poursuite sans entrave de la destruction de la nature et du climat. Car la nature autant que les étrangers devient l’ennemi à abattre, comme le reconnait lui-même, terrifié, l’historien américain Robert Paxton.
Sébastien Lapaque
- (romancier et essayiste français). « La réélection de Donald Trump est un signe troublant de l’anti-intellectualisme électoral qui se propage en Occident. (…) L’anti-intellectualisme a joué un rôle dévastateur au XXe siècle, dans la Russie soviétique, l’Italie fasciste, l’Allemagne nazie, la Chine maoïste. Au début des années 2000, il a fait sa réapparition au cœur des démocraties représentatives ».
Henrico Letta
- (ancien premier ministre italien). Les populistes promettent le retour au monde d’avant. Cela s’inscrit, comme pour la victoire de Trump, dans un raz de marée mondial des droites nationalistes.
Jean-Paul Marthoz
- (journaliste au Soir). Il écrit sur le thème « Bastogne 1944 et le spectre de Donald Trump : L’Europe-Amérique ne peut que dire nuts à cette nouvelle alliance transatlantique des nationalismes crispés(…) En janvier prochain, lorsque Donald Trump, plus vindicatif que jamais, retrouvera la Maison-Blanche, le pays qui fut l’ultime recours des démocraties lors de l Seconde Guerre mondiale menace de basculer « de l’autre côté ». De l’autre côté de l’internationalisme libéral inscrit dans la Charte des Nations unies.
Colum Mccann
- (célèbre écrivain irlandais établi à NY). La campagne de Trump et ceux qui l’ont menée ont joué la noirceur absolue, et lui-même ressemblait à un fantôme d’Apocalypse Now : « l’horreur, l’horreur ». Il a choisi les ténèbres et en a été récompensé.
Alexis Pichard
- (chercheur en civilisation américaine). Dans « l’ère de post-vérité », le vrai et le faux n’ont plus aucune importance. Ainsi, en multipliant les fausses informations, Trump a fait de la vérité une notion variable, chaque contradiction alimentant ensuite sa figure de martyr antisystème. Il a orchestré une guerre contre les médias (progressistes) qu’il dit honnir. Il les attaque sous tous les aspects, sur leur santé économique, sur leur éthique, affirmant qu’ils relayent de la désinformation en permanence. Lui-même avait fait pendant son premier mandat, soit entre 2017 et 2021, quelque 30.573 déclarations avérées fausses ou trompeuses.
Roberto Saviano
- (auteur italien de « Gomorra », l’essai de référence sur la mafia). Les réseaux sociaux ont détruit la démocratie : la victoire de Trump porte la signature de Musk, qui, comme ses semblables, a détruit la vie privée, dérégulé des espaces publics dont il a fait des chambres d’échos de fake news, abaissé l’attention des gens à huit secondes.
Antonio Scutari
- (professeur de littérature aux Universités de Milan et de Bergame : « Donald Trump et Elon Musk ont décidé que la démocratie n’est plus nécessaire, qu’il faut d’avancer vers un autre monde, autocratique ».
Roald Sieberath
- (professeur UCL). Kamila Harris en uniforme rouge dans un contexte de Chine communiste. On a beau savoir que cette image est fake, l’IA anti-woke de X, quand elle s’est imprimée à de millions de reprises dans les esprits des gens crédules, elle installe l’idée « Harris nous amène au communisme ».
Timothy Snyder
- (professeur d’histoire à l’université américaine de Yale). Le trumpisme est l’avènement du « sadopopulisme » (…) Le leader sadopopuliste se sert de son charisme pour essayer de convaincre ses adeptes « qu’il est plaisant de voir d’autres personnes souffrir » : aux Etats-Unis, leur rappelle-t-il, beaucoup de Blancs sont prêts à souffrir s’ils estiment que les Noirs vont souffrir plus qu’eux.
Céline Spector
- (Professeure à la Sorbonne). Elle écrit : « Donald Trump incarne un pouvoir réduit à la domination ». Avec lui, poursuit-elle, il existe un vrai risque de déstabilisation de la démocratie américaine. (…) Les éléments sont réunis pour que l’on assiste à un processus d’érosion démocratique qui passe en particulier par la mise au pas de l’armée.
Pierre Vimont
- (ancien ambassadeur de France aux USA). La priorité de l’Union européenne, écrit-il dans LLB, sera de rester unie face à Donald Trump, même s’il manque à l’Europe cette vision stratégique sur sa place et ce qu’elle veut être. Mais Trump va nous obliger à faire ce travail.
Jean-Pierre Winter
- (psychanalyste français). Trump m’a fait penser à cette chauve-souris d’une fable de La Fontaine qui se fait passer, pour mieux attaquer les belettes, tantôt pour une souris tantôt pour un oiseau (…) car Trump est, comme Janus, un dieu politique à deux têtes.
Il vient d’être nommé par l’Exécutif wallon nouveau président de la Commission royale des monuments, sites et fouilles (CRMSF), autrement l’aile wallonne de l’ancienne commission unitaire qui est la plus ancienne instance consultative du Royaume, composée d’un collège scientifique et multidisciplinaire d’experts en patrimoine au sens large. En même temps l’exécutif a confirmé Geneviève Mohamed et tant que secrétaire permanente de ladite CRMSF. Rappelons que celle-ci conseille le gouvernement wallon en matière de protection et de conservation du patrimoine.
(professeur UCL & UNamur).
Dans une chronique dans LLB, il écrit : A l’état brut, les IA (intelligence artificielle) ont tendance à refléter des dizaines de travers humains : si on nourrit leur apprentissage de contenus racistes ou sexistes ces LLM (pour Large Linguages Models) vont faire montre de ces caractéristiques, parfois même davantage que les humains.
(nouveau grand patron, depuis septembre 2022, de VW).
Il a annoncé fin novembre la fermeture de ses usines et bureaux de vente au Xingjiang, autrement dit l’immense province chinoise ou près de deux millions d’Ouighours musulmans sont incarcérés et torturés sur prétexte de « formation professionnelle ». Cette mesure est assez hypocrite car elle est là pour justifier le fait que si le groupe ferme plusieurs usines en Allemagne, sans parler d’Audi-Belgique, c’est seulement pour des raisons de conjoncture économique et, sous-entendu, de protestation contre la répression des Ouighours dénoncée par les Nation unies. Cette dernière justification n’est que pure hypocrisie. La vraie raison est la supériorité mondiale de la Chine sur le marché de la voiture électrique, enjeu qu’a raté VW.
(grand reporter medias au Figaro).
Le nouveau réseau social « Bluesky », appelé à remplacer l’ex-réseau « Twitter » devenu « X » du milliardaire populiste vu par certains comme un néo-fasciste Elon Musk, dépasse désormais les 22 millions d’utilisateurs (ce qui reste en soi faible par rapport aux 5000.000 de X). Cependant le mouvement d’abandon de X et sa substitution par Bluesky, ou tout autre réseau, va croissant dans le monde entier. Bluesky, écrit Lentschner, est le grand gagnant du désamour à l’égard du X. Dans les dix jours qui ont suivi l’élection de Trump ce réseau gagnait un million d’abonnés de plus par jour. Et ce mouvement enfle en Europe aussi. Ainsi la CFDT et ses dirigeants ont quitté à leur tour le X d’Elon Musk (mais apparemment pas Macron…qui continue à s’en servir…).